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saurait être vertueux suivant toute la rigueur de la doctrine. L’apathie (ἁδἱάφορα (adiaphora)) n’y fera rien ; le bout de l’oreille, pour me permettre cette expression, y percera toujours (1). Le buddhiste au contraire pourra sincèrement se conformer à sa doctrine morale à lui ; la vertu que préconise et enseigne avec un but distinct bien déterminé cette doctrine, n’est en contradiction ni avec la nature ni avec la raison philosophique, sauf sur un point, point que nous avons déjà indiqué, mais point capital et qui est, qu’elle est vide de tout idéal transcendant.

Voilà par où elle prête à la critique, par où elle manque même à la proposition que les pères du buddhisme ont mise en avant dans le second concile, celui de Vaiçali, à savoir : « Que cela seulement répond à la vraie doctrine du Buddha, qui n’est pas en contradiction avec la saine raison. » C’est en conséquence de cela que le Sugata porte le titre de « Docteur de la raison » (2). Mais la vertu destituée d’idéal est un non sens philosophique, et le non-être ne saurait tenir lieu de cet idéal, du moins dans la pratique. Aussi faut-il convenir qu’il y a dans le buddhisme, en tant que doctrine sociale, un principe qui à la longue à dû le rendre et l’a effectivement rendu pernicieux aux peuples qui l’ont adopté sous sa forme renouvelée, ou plutôt avec les exagérations qu’on a successivement fait subir à cette forme. Ce principe, encore une fois, n’est pas que l’existence est vide où qu’elle se trouve ; la vanité de la nature sous toutes ses formes est un fait indéniable et aucun homme sincère qui sait réfléchir ne pourra le contester. Mais ce qu’on doit contester, c’est d’admettre en principe que le but de la vertu est le vide, çûnya. La thèse n’est défendable qu’à condition qu’on lui associe le correctif de l’idéal trans-

(1) Le Stoïcisme en définissant Dieu un animal (immortel et parfait), Θιάν δ’εἶναῶ ζιον ἀθὸνατον, ϰτλ. (Thian d’einaô zion athonaton, ktl.) (Diog. Laert. VII, 147, ) et en disant que le sage est comme un Dieu (ibid., 119), autorise d’ailleurs l’image du bout de l’oreille.

(2) Klaproth d’après le Chin i tian.