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bien la femme dont parle le Vétala Pancavinsati, à qui son mari avait montré un fruit d’immortalité qu’un dieu lui avait donné, a Si nous devenons immortels, lui dit-elle en versant un torrent de larmes, nons serons à jamais condamnés à vivre d’aumônes (c’est-à-dire à continuer une existence plus ou moins semblable à celle-ci). Mieux vaut mourir, parce qu’une fois morts, nous serons débarrassés de tous les maux (1).

Probablement que ceux qui raisonnaient ainsi, et Çâkyamuni tout le premier, n’auraient pas goûté l’objection qui consiste à présenter Dieu tout puissant au point de pouvoir accorder le bonheur éternel et parfait ; peut-être auraient-ils répondu qu’il n’y a pas de toute-puissance qui tienne contre l’impossibilité, et que c’est une impossibilité au premier chef, impossibilité absolue que de transformer ce qui est périssable et caduc de nature en une nature immuable et parfaite , que l’éternel est ou n’est pas, mais que rien ne peut faire qu’il devienne, que le soutenir est une contradiction dans l’absurde.

Il y a sans doute moyen de sortir de cette impasse et de reconnaître, tout en prenant l’existence pour ce qu’elle est aux yeux du buddhisme, pour une vaine entité dans l’atome du monde, la substance universelle, qu’il est un Dieu, un Etre absolument parfait, et que l’homme participe à cet état de vraie réalité à l’égal de Dieu lui-même. Considérée ainsi, la chose change du tout au tout ; ce n’est plus la nature qui détermine la fin du moi dans le néant d’une substance abstraite ; c’est au contraire le moi, la forme pure et idéale de l’humanité, la vraie réalité de l’homme, qui relègue dans le domaine de la vaine apparence toutes les créations de la nature et la nature elle-même. Cette vue qui est vraiment philosophique a inspiré à Goethe ces beaux vers sur Schiller :

Und hinter ihm in wesenlosem scheine
Lag, was uns aile bandigt, das gemeine
(2).

(1) Journal asiat. Juillet 1851.

(2) Epilog zu Schillers glocke, str. 4.