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non conciliable avec l’existence terrestre ; mais la légende fait dire à Çâkya que, même après être parvenu à l’état de buddha, il lui reste encore quelque peine à endurer pour des péchés commis dans les kalpas précédents (1). Ce que la légende ne nous montre jamais, c’est l’entrée dans le nirvana sans cette maturité spirituelle qu’engendrent la foi au buddha et l’exercice du détachement, et ainsi se justifie pleinement l’insistance que met le buddhisme à inculquer la pratique de la morale, de la science et de la vertu. « Il honore la vertu et estime la science, » est le plus grand éloge que les buddhistes savent faire d’un roi. La morale, la science et la vertu sont les trois motifs sur lesquels pivote toute l’économie buddhique ; sans eux point de détachement de soi-même, selbstlosigkeit, et sans ce détachement point d’anéantissement de l’existence, wesenlosigkeit, et, partant, point de paix et de repos définitifs.

Car voilà le but que l’homme doit avoir constamment en vue, bien qu’il ne paraisse pas être dans le plan de la nature, où tout roule perpétuellement dans un cercle de maux et de souffrances. Il faut en finir avec ce mal et ce malheur, il faut donc en finir avec l’existence, non toutefois en s’en débarrassant par le suicide. « Le très-honorable du siècle a établi en précepte qu’on ne doit pas se tuer soi-même. (2). En effet, ce serait une faiblesse morale (le stoïcisme n’y a pas songé (3)) et on irait ainsi directement contre le but de l’affranchissement définitif ; on renaîtrait pour expier cette faute dans une existence inférieure. La métempsychose à travers un nombre d’existences, dont le déterminisme dépend des causes inhérentes à toutes et à chacune, est le sujet inépuisable de toute une branche de la littérature buddhique, de celle qu’on appelle du nom significatif de Ja-

(1) Hiouen Thsang, ap. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 184.

(2) Fa hian, Foe koue ki, XXX.

(3) On sait qu’il admet le suicide εὐλόγως τε φασὶν ἐξαξειν ἑαυτὸν τοῦ βίου τὸν σοφόν (eulogôs te phasin exaxein heauton to biou ton sophon). (Diog. Laert., VII, 130).