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Ainsi déjà le buddhisme primitif savait conduire ses adeptes à la vertu sans Dieu, sans culte cérémoniel et sans prêtres, car le sintoïsme, nous dit encore Kaempfer, n’a pas de prêtres ; le mikado même n’a pas de caractère écclésiastique ; il représente seulement un kami, qu’il redevient après sa mort. Encore aujourd’hui, les Japonais toujours dépourvus du sens religieux au point d’être de libres penseurs au premier chef, savent se conduire moralement tout aussi bien que n’importe quel peuple théocratique, et c’est ce que des voyageurs nous disent aussi des Kunama ou Schangalla, peuple qui habite au nord de l’Abyssinie, sur le Mâreb et le Takasé. Sans culte, sans prières, sans Dieu, ils ont néanmoins de bonnes lois et ils vivent d’une manière irréprochable (1). Cette même situation se présente encore chez d’autres peuples ; j’ose à peine nommer les Esquimaux ; cependant ce que nous en apprend le savant Danois Rink qui les a étudiés à fond, les rend tout aussi intéressants que les Basques ou les Touaregs.

Maintenant, si, comme dans la doctrine de Çâkyatathâgata, qui n’est que la rénovation philosophique du Sintoïsme, ou, pour parler plus généralement, du buddhisme antéhistorique, on est sans cesse averti que rien ne vaut que nous nous y attachions, que toute existence est caduque et que, en conséquence, le seul but digne de nos efforts est de vaincre la nature en se débarrassant de tout ce qui est périssable, et tout est périssable, puisque tout est complexe ou composé ; vérité si importante qu’on la met sous forme d’axiome dans la bouche de Çâkya mourant, il est évident que, l’homme étant son propre obstacle, son obstacle principal, le moyen le plus efficace pour se soustraire à toute vicissitude a dû se présenter au réformateur dans l’entier dépouillement personnel et, partant, dans la pratique des plus austères vertus. Ce n’est que par la vertu qu’il pouvait espérer faire vivre ensemble, symboliquement parlant, les ser-

(1) Voy. Wemer Munzinger, Berichtüber seine Reise nach El Obed, dans Mittheilungen de Petermann, 1863, p. 184, et Th. Kinzelbach, ib. p. 218.