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conformer à toutes ces prescriptions qu’en vue de Dieu et de son paradis, voire de son enfer ? Non, sans doute, si on croit à Dieu, si surtout on se fait de Dieu l’idée que, généralement, nous nous en faisons. Mais si l’on ne croit pas du tout à un Dieu, un Dieu que, quoi qu’on on en ait, on est réduit à affirmer de confiance et dont on ignore ainsi complètement ce qu’il en est de fait, comment alors ? L’incrédule ou l’athée sera-t-il nécessairement méchant ou pervers ? C’est selon. Peut-être le sera-t-il dans le milieu où nous vivons, s’il reste dépourvu d’une instruction approfondie et sans lumières, ou si, sans trêve ni relâche, il est injustement malheureux et persécuté. Mais s’il est né, s’il a été élevé au sein du stoïcisme, dont le sage est in se ipso totus (1), s’il appelle Zénon, ou Epictète, ou Marc-Aurèle, ou si, comme Socrate, il veut être vertueux pour la seule satisfaction de sa raison, s’en trouvera-t-il empêché à cause que Zeus lui est un mythe et qu’il écarte de sa pensée, comme mobile de conduite, tout rapport ou toute référence au ciel et à l’enfer, à une vie future de sa personne actuelle dans le sein de Dieu ? Sera-t-il forcément immoral et impie celui qui pense que ce n’est pas une religion réellement digne de l’humanité en général et de l’homme en particulier que celle qui nous agite incessamment par le désir ou par la crainte ?

Mais s’il est possible d’aimer la vertu et d’être vertueux sans Dieu, et cela même dans un milieu qui, comme le fut l’antiquité, est saturé d’éléments spéculatifs purs relativement à la divinité, sans que néanmoins elle connût ce que nous appelons la dogmatique morale (aucune religion antique sauf le mosaïsme n’avait de dogmes) (2), on pourra, à plus forte raison, cultiver la perfection morale dans un milieu qui est, de nature et de source, vide de toute notion métaphysique transcendante et où, par conséquent, pour être vertueux, on est dispensé de l’effort préalable de passer l’éponge sur

(1) Horat. Sat., II, 7.

(2) Mosaïsmi seul ordonnait d’être vertueux à cause de Dieu ; Sancti, estote, quia ego sanctus sum. (Levit, XI, 44 ; XIX, 2, etal.)