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l’intelligence échappe à la vue, elle est sans bornes ; elle est lumineuse de toutes parts ; c’est en elle que vont s’anéantir et les eaux et la terre, et le feu et le vent. C’est là que le long et le court, le subtil et le solide, le bien et le mal, c’est là que le nom et la forme s’anéantissent, sans qu’il n’en reste rien. Par la cessation de l’intelligence, tout cela cesse d’exister : vinnânassa niroddhena etthetam uparujjhantîti » (1). Et voilà le nirvana total, parinirvâna, au delà duquel cependant par « un effet de l’habileté dans l’emploi des moyens dont disposent les Tathâgates, » mais en réalité pas la force du devenir, se trouve placé encore un autre, la mahâparinirvâna, la grande et parfaite extinction.

La conception est certes aussi antique qu’originale, et elle n’est originale que parce qu’elle est antique. À quel moment l’a-t-on eue d’abord ? Au moment, n’est-ce pas ? où l’on n’a vu dans la nature que la seule nature. Ainsi elle coule évidemment de première source ; on y saisit ab ovo la contemplation de l’esprit humain au moment où l’humanité naquit à la réflexion sous la pression des perpétuels changements des phénomènes et de leurs disparitions dans le vide cosmique. Certes, oui, le buddhisme est une forme naïve et primordiale sous laquelle le monde est apparu à la conscience d’une partie de l’humanité, et ce n’est pas le buddha Çâkya qui l’a inventé. Il y a eu avant lui d’autres buddhas, d’autres esprits en éveil sur le spectacle de la nature qui, par l’absorption extatique ici-bas et par l’extinction du phénomène de leur personne après le trépas, ont cru pouvoir échapper, ont voulu échapper, sans croire que le moi valait des regrets, aux instabilités, aux douleurs de l’existence, et de fait, les sectateurs de l’ascète royal l’affirment eux-mêmes dans leur livre le plus historique (2), quand ils donnent à leur maître vingt-quatre prédécesseurs immédiats, allant de Dîpankara à Kaçyapa et marchant dans la même voie (tathâgata) que lui. De plus, la tradition népa-

(1) Le Kevaddha sutta, ap. Burnouf, Lotus, p. 515.

(2) Le Mahâransa, I, 10.A