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la formule scientifique toute moderne de l’équivalence des forces. Cette idée est si naturelle, elle résulte si évidemment de l’observation de tout ce qui se passe autour de nous, qu’on s’étonne que la science ait pris un chemin si long pour y venir à son tour. Mais rien de nouveau sous le soleil, ou, comme dit le poète :

Wer kann was dummes, wer was kluges denken
Das nicht die vorwelt schon gedaht ? (1)

Il est positif en effet que, de tout temps, le sentiment humain a pressenti le vrai dans tous les problèmes, et que, dans l’espèce, la formule instituée par Rob. Mayer de l’équivalence des forces ou des fonctions revient à la thèse bouddhique que l’un cesse ou se transforme tout entier dans un autre, et ainsi de suite à l’indéfini jusqu’au retour de la série dans la substance primigène, l’élément originel de toute existence, l’atome universel et, partant, simple et sans forme.

Le nirvâna, en apparence si vague et insaisissable qu’il ressemble à la fata morgana ou, pour rester dans l’Inde, à la mâyâ, l’illusion, dont, suivant les Purânas, s’enveloppe Brahman ; le nirvâna peut ainsi prendre les contours arrêtés d’une formule scientifique, et l’intelligence qui est rompue aux abstractions le comprend facilement. La conception, plus ou moins claire et nette, a d’ailleurs dû s’en imposer de tout temps à notre race, et nous en avons une preuve fort remarquable dans la locution populaire ail werden, qui veut dire à la fois « périr, finir» et « devenir tout (2).» Mais elle paraît avoir été

(1) Faust, II, act. 2, p. 269. — La doctrine du déterminisme, ou la production connexe des causes réciproques a été nettement professée aussi par le stoïcisme, comme forme logique du raisonnement anapodictique. Exemple : le premier détermine le second, si donc le premier est vrai, le second l’est aussi (Diogène Laerce, VII, 79, 80).

(2) V. Deutsches Worlerbuch de Grimm, I, col. 210. L’article est des plus intéressants, en ce sens surtout qu’il démontre que ail signifiant « épuisé » a toujours été familier au Scandinave. Gela viendrait à l’appui de l’assertion qui veut que le buddhisme se soit jadis répandu dans la Scandinavie.