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genre qui avait rendu aux Aryas la conquête et la domination de l’Inde plus facile ou plus profitable que ne le put supporter le patriotisme du fils du roi de Kapilavastu et qui le poussa à entreprendre son œuvre de délivrance nationale par la réforme des croyances. Une telle réforme est, en tout état de cause, la voie la plus logique et la plus sûre de la régénération d’un peuple.

Le réformateur ne changea rien au caractère fondamental de la doctrine aborigène en tant qu’elle établissait la morale sur des motifs purement naturels, motifs qui peuvent en effet suffire, ainsi qu’on le voit encore dans le sintoïsme, et ailleurs ; nous y reviendrons. Pour Çâkya, il releva les croyances existantes par une discipline sévèrement coordonnée dans une pensée philosophique, et, fait de main d’ouvrier, un tel frein suffit pour rétablir la balance sociale et politique de l’Inde contre les prétentions de ses conquérants aryens.

Mais voyons ce qu’il fit le doux et inflexible maître, le meilleur du siècle, lokajyeshtha[1], comme on l’a appelé, que plus de trois cents millions d’âmes invoquent par le nom de buddha, redivivus[2]. Certes, il ne faut pas compter les voix, mais il faut les peser ; toutefois quand l’adhésion est aussi considérable qu’elle est ici, elle prouve au moins que l’œuvre du réformateur de Kapilavastu, le lieu de couleur de tan, répondait sérieusement à des besoins moraux réels, qu’elle était dans le courant historique de toute une moitié de l’humanité.

Pour rester dans ce courant, Siddhârtha (c’était comme nous dirions le nom de baptême du fils de la tribu des Çâkyas) Siddhârtha n’avait qu’à ressaisir la matière et la redresser dans son intention cosmologique, telle que la concevait l’esprit anarien. On était tout entier dans la nature ; il y resta tout entier ; seulement comme on était

  1. The right honourable, disait-on en anglais.
  2. Buddha de budh réveiller, ranimer (Cf. Dhammapadam, str. 296 sqq.) de là connaître, savoir : le Sage. Cf. pour le sens premier le slave bûditj, le lith. budrut, etc. (Bopp, Glossar. sansc. s. v. budh).