Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 84 —

comme peut le pratiquer un peuple nomade et pasteur, on substitua encore au temps védique[1], mais dans la période des invasions et des combats, le dieu armé de la foudre et foudre de guerre lui-même, Indra, le démon vigilant aux mille yeux[2], le fils de Dyaus, le ciel. Le panthéisme n’y perd rien ; au contraire ; il s’accentue davantage et prend corps et forme comme un simple spinozisme. Indra, en effet, devient l’identité de tout, yo viçvasya pratimânam babhûva, c’est-à-dire de l’univers, comme l’explique le scoliaste : sarvasya jagatah[3]. L’univers est le corps d’Indra, vapurasya sargâh[4] ; le dieu est de formes multiples, purarûpah[5], et se reflète dans chaque forme. Aussi a t-il plus de cent noms, (je les ai comptés), et parmi eux les plus populaires sont, outre celui d’Indra, ceux de Vajrin, de Çakra, de Maghavat, de Çatakratu, de Hari, et quelques autres.

On le voit ; les brâhmanes, aussi ambitieux que les Trilsus, qu’ils accompagnaient comme prêtres[6], étaient avides de butin ; les brâhmanes bhâratides, nouveaux arrivants dans la société védique établie déjà depuis longtemps dans les plaines du Gange, quand même ils n’eussent pas apporté avec eux leur panthéisme spécial, n’auraient eu qu’à puiser dans la religion de leur congénères pour y trouver de quoi fonder et consolider le nouvel ordre de choses que leur ambition méditait, savoir un État ordonné sur la base d’un régime de classement social émané de Dieu en personne, le régime dogmatique des castes. Auparavant, la société védique, tout en reconnaissant un pouvoir divin, s’était administrée par familles et par tribus, suivant un droit foncièrement laïque, établi sur la coutume. Il faut suivre cela avec quelque détail et revenir parfois sur des points que nous avons déjà effleurés, à diverses reprises.


QUATRIÈME PARTIE


Rappelons qu’à l’époque védique primitive les Aryas établis dans l’Inde étaient constitués en une confédération plus ou moins solide, à la tête de laquelle on voit cinq tribus, panca janâh, qui s’appelaient les Yadus, les Turvaças, les Druhyus, les Anus et les Pûrus. Ces janâs ou jâtayas, ainsi que les autres, étaient, comme le dit le mot, des gentes, à

  1. Il y a déjà dans le Véda des hymnes qui parlent avec dédain de Varuna et qui le rangent même parmi les Vritas. P. ex. X, 124, 7, 8.
  2. Devan daçaçatekhnam. (Mahâbhâr., XII, 4495.)
  3. R. V. II, 12, 9 (II, 471).
  4. Ib. IV, 23, 6 ; III. 128. Cf. VI, 47, 18 ; III ; 773 : tadasya rûpam, ce (monde est) sa forme.
  5. Rûpanrûpam pratirûpo. indro purarûpam (Ibid.)
  6. Ib. VII, 83 (IV, 203).