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guère, nominativement, veux-je dire, qu’à Java et à Bali, et les seconds dans le midi du Dekhan, dans le Malabar surtout. Ailleurs on ne les retrouve que sous d’autres noms, habituellement mêlés et confondus dans une infinité de sous-castes. C’est à peine s’il y a 2 % de vaiçyas purs et authentiques dans toute la vaste présidence de Madras, sur une population de près de 31 millions 600 000 individus[1].

Mais ne poussons pas plus loin notre commentaire sur les explications que nous donne relativement aux castes Christian Lassen, et voyons ce que nous dit sur le sujet l’indianiste Benfey. Les observations du savant professeur de Gœttingue sont moins historiques que physiologiques. Benfey voit l’origine du système dans la conviction très ancienne chez les Indiens, que les aptitudes sont héréditaires et que, par conséquent, il est socialement avantageux que ceux qui ont des aptitudes identiques, s’unissent entre eux de manière à former des sociétés fermées, des corporations. Et suivant l’estime qu’on faisait des diverses aptitudes, les associations y relatives étaient tenues en plus ou moins de considération et formaient de la sorte une espèce d’échelle qui divisait et classait la société entière[2]. C’est du moins ce qu’il est permis de conclure des procédés qui constituent de nos jours les sous-castes. On a de plus en plus spécialisé ; l’homme qui vous nettoie la figure, ne voudrait, pour rien au monde, laver votre vêtement[3] et vice versa, mais la méthode est restée la même. Dans les éléments qui formaient d’abord une seule caste compacte, la différence quelque peu accusée de telle occupation de telle autre, a donné lieu à des subdivisions, de manière que la caste des artistes, par exemple, s’est trouvée partagée en cinq sous-castes. On a dû penser aussi que celui-là exercerait au mieux ses aptitudes natives qui, dès ses premières années, aurait sous ses yeux les procédés techniques de son père et de toute sa parenté. De là, à ordonner la même profession de père en fils, à décréter l’hérédité des métiers, le pas était facile et tous les peuples l’ont fait, plus ou moins. Mais la race aryenne s’y est trouvée tout spécialement prédisposée.

Aussi le moment psychologique où l’établissement du régime des castes s’est inéluctablement imposé aux Indiens ne saurait tomber sous une détermination chronologique. Il en est ainsi de tout ce qui tient aux entrailles d’une race. Mais le développement du régime a certainement demandé beaucoup de temps. Dans la période védique primitive, alors que la race aryaque se sépara pour descendre, les uns dans l’Inde et les autres dans l’Irân, les castes n’existaient pas encore ; toutefois un classement social, peut-être déjà en quatre branches, avait eu lieu. La

  1. V. Cornish, Report on the Census, etc., p. 170.
  2. Benfey, Indien, dans Allg. Encyclop. d’Ench et Gruber, XVII, 213 sqq.
  3. De là un système d’injures très variées. L’un, dans une dispute, traitera son adversaire de barbier, ambattâ, et l’autre de répliquer per le mot vannâ, blanchisseur. Ce sont là les « forts en gueule ».