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causes que par l’institution des castes, must be sought for in other circumstances than the institution of castes[1], c’est le prendre fort lestement avec la vérité historique. Le mélange des castes, dit-il, remonte à la plus haute antiquité[2] ; je ne sais ; mais, en serait-il ainsi, encore le fait de ce mélange prouve mieux que nul autre que la loi des castes a été depuis un temps reculé le régime dominant de la société indienne et que, par conséquent, les phénomènes, de quelque nature qu’ils soient, dont celle société est coutumière, ne peuvent pas s’expliquer sans elle. Pour le moment, je n’en dirai pas davantage, mais nous verrons en son lieu, que le régime des castes est sorti en premier lieu, comme fait, d’un régime particulariste social et politique qui constituait la société aryenne primitive en une féodalité fort semblable à celle du monde germanique sous les Carlovingiens.

En attendant, continuons notre revue critique, et voyons l’opinion de Bohlen. Le savant auteur de l’Inde ancienne voit l’origine et le développement du régime castal dans des motifs qui découlent, naturellement, des idées religieuses propres à l’Inde. « Chez les Indiens, dit-il, tout se fonde sur des vues religieuses. » Nous avons vu déjà que c’est aussi le sentiment d’Anquetil. « Toutefois, tel que le système existe, ajoute Bohlen, il est l’œuvre réfléchie de la politique sacerdotale, et rien de semblable ne se trouve chez aucun peuple de l’antiquité. La conquête a rejeté les propriétaires aborigènes hors de toute caste ; la société brahmanique ne compte pas avec eux ; elle les ignore[3]. »

L’exploration de Bohlen est bonne ; son seul défaut est d’être incomplète. Ainsi, par exemple, les çudras et aussi les kshatriyas sont, en partie, composés d’aborigènes, fait que, quant aux çûdras, la légende brâhmanique a voulu supprimer en disant que l’homme fixé au sol, le Nishâda, comme on appelle aussi le çûdra[4], est né de la mésalliance d’un brâhmane avec une çûdri. Sous le couvert de cette fiction, on a reçu l’aborigène vaincu et soumis dans la caste des çudras d’origine aryenne, mais que les envahisseurs védiques, les trouvant établis d’ancienne date sur le bord de l’Indus, avaient dû traiter en ennemis afin de s’ouvrir un passage à travers le Pendjâb. Malgré cela, ils ne pouvaient refuser à des congénères d’origine, et qui avaient eu le mérite de leur ouvrir la voie de l’Inde, de les recevoir, une fois soumis, dans la société, aryenne nouvelle. Toutefois, comme leurs croyances et leur sang s’étaient altérés par suite d’un long contact avec les aborigènes noirs, les Drâvidiens, les Dasyus, ils les reçurent comme ceux-ci, à

  1. R. Rickards India, or tacts submitted to illustrate the character and condition of the native inhabitants, etc., dans Edinburgh Review, XLVIII, p. 35 sqq ; 1828.
  2. The origin of the intermixture is therefore lost in the remotest and obscurest antiquity. (Id., p. 38).
  3. Dohlen, Das alte Indien, II, 11, 38 sq.
  4. V. Lassen, Ind. Alterthumskunde, I. 945 ; 2e éd., Cf. Cotebrooke, Asiatic. Res. V. p. 57.