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qui se rapportait au premier mariage du fils aîné : particularly in the first marriage of the eldest son[1]. Je ne veux pas m’engager à ce sujet dans une discussion sur le majorât féodal ; il suffira d’indiquer qu’il y a là un grand intérêt territorial en jeu, et que le classement des âmes, comme disait l’ancienne diplomatie, en découle suivant l’inégalité des possessions. Heureux ceux qui possèdent ! C’est un bonheur dont les possidentes ne s’aperçoivent communément que lorsqu’ils ne possèdent plus rien et qu’ils sont réduits à la jouissance d’une expression géographique. Il nous y faudra revenir. — Passons à Herder.

Pour Herder, l’origine des castes n’est pas dans un motif historique ; il s’en tient à celui que lui donnent, sous une forme de genèse symbolique, les lois de Manu, et il voit dans ce système un genre de produit d’histoire naturelle. « Comme la nature partage l’arbre en branches, les peuples ont été partagés en tribus et en familles. Dans l’Inde, l’importance du système n’a pas changé pendant des milliers d’années, malgré le joug de l’étranger, et ses effets sur les mœurs et le genre de vie des Hindous sont tels qu’une autre religion n’en a peut-être jamais produit de semblables. Le caractère, la manière de vivre, les coutumes, jusqu’aux détails les plus puérils, en un mot, la langue et le génie de ces peuples en sont l’œuvre manifeste, et quoique plusieurs parties de la religion des brahmes, incommodes et minutieuses, dégénèrent en superstitions tyranniques, les castes mêmes les plus inférieures ne les respectent pas moins que les lois naturelles les plus sacrées. Ce qu’il y a de certain, c’est que le caractère de la nation et celui du climat sont les véritables causes d’un phénomène jusqu’ici sans exemple[2]. ». Oui, sans exemple ; sur ce point, le jugement de Herder est d’une rare justesse. Mais l’origine du système étant ce que dit l’auteur, le développement de l’institution n’est pas une question. La nature marche, mais elle marche sur place. C’est une mécanique. Ce qui nuit au développement expansif du régime en assure la puissance et la durée[3]. Les castes héréditaires ne peuvent développer les arts ni perfectionner quoi que ce soit, justement parce qu’elles-mêmes ne sont soumises à aucun développement progressif. C’est une chaîne que rien ne peut étendre ; le système est ce qu’il est ou il n’est pas ; pour le rendre accessible à un développement évolutif, il faudrait d’abord le briser.

Voilà l’opinion de Herder sur le système, et il y a certainement beaucoup de vérité dans la manière de voir de ce philosophe. Cependant Heeren, qui est un historien, malgré la critique acerbe qu’a faite de lui W. de Schlegel, Heeren est d’un autre avis. « Il me paraît évident, dit-il, que les trois premières castes, qu’unissaient entre elles tant de

  1. Ib., p. 190.
  2. Herder, Idées sur la philosophie de l’histoire de l’humanité, ii, 321,323 ; tr. Quinet.
  3. Ib. 327.