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les Vaiçyas, et de ses pieds furent produits les Sûdras, — chacun avec sa femme.

Voyant cela, le seigneur de la création dit : « Quelle sera votre occupation ? Ils dirent : Nous n’avons pas de chef, ô dieu ! Commande ce que nous devons faire. Alors, considérant et comparant leurs travaux, Brahmâ plaça la première tribu au-dessus des autres. Et parce qu’elle montrait une grande disposition pour la science divine, brahma veda, elle comprit le brâhmana. Le protecteur contre les méchants, cshyate, fut le cshatriya. Celui dont la profession, veça, consiste dans le commerce, lequel favorise le succès dans les guerres entreprises pour la défense de soi-même et des autres, puis, à labourer et avoir soin du bétail, il le nomma Vaiçya. Le dernier devait volontairement servir les trois classes précédentes, comme cela convient au Sûdra. »

Colebrooke énumère ensuite les principales mixed classes, au nombre de trente-six, dont l’origine est dans les mariages entre les quatre grandes classes. Sur ce sujet, il y a divergence d’une autorité à l’autre, mais toutes sont d’accord sur l’origine du Chandâla, qui provient d’un père sûdra et d’une mère brahmani[1]. Leur abjection sociale n’a d’égale que celle des mlech’ha[2] nommés aussi Yâvanas.

L’origine sociale des castes, tant pures que mêlées, se laisse le mieux constater, nous dit l’auteur, dans le Bengale. Les castes pures y sont représentées par les brâhmanes, les castes impures par les kâyasthas. Les brahmanes bengalais descendraient de cinq prêtres, qu’un roi Kânyakubja aurait invités à s’établir dans ledit pays environ 900 ans après Jésus-Christ, et les Kâyasthas viendraient des cinq serviteurs qui les accompagnaient. Ces kâyasthas étaient déjà de sang mêlé ; ils descendaient d’un père kshatriya et d’une mère sûdri. Comme tels, ils constituent encore aujourd’hui une classe relativement élevée, la classe des écrivains. Ceux d’entre eux qui se mésallient tombent au rang de domestiques, de serfs ou d’esclaves, dâsas, c’est-à-dire de çûdras.

Mais ces origines-là ne nous expliquent pas l’origine du système même. Colebrooke trouve cette origine, à ce qu’il semble, dans une institution primitive du peuple indien on dirait celle de notre féodalité. En effet, il est certain que, anciennement comme nous verrons, la suprématie du pouvoir appartenait avec celle même de la morale religieuse et philosophique aux kshatriyas ; l’histoire ou du moins la légende de Viçvâmitra, de Janaka et de Çâkya, sans compter les sùtras et les suktas où cette suprématie est pour ainsi dire dogmatiquement affirmée, nous rendent la chose à peu près indubitable. Eh bien, un des caractères les plus importants de la féodalité étaient les règles d’après lesquelles se trouvaient fixées les alliances matrimoniales et particulièrement celle

  1. Cette descendance se retrouve jusqu’aux limites du monde indien, dans la petite île de Bali. (V. Friederich, Voorlooping Verslag, etc., p. 16).
  2. The generic term for a barbarian or foreigner (Wilson).