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les vaiçyas après les çûdras[1], n’est pas moins remarquable. Il faut citer tout le passage.

« Il y a dans cette province de Becar et dans les deux précédentes[2] de toutes les castes et tribus des Indiens, dont on compte jusqu’à quatre-vingt-quatre. Encore qu’ils professent tous une même religion, les cérémonies de chacune des castes, et même des particuliers de chaque caste, sont si différentes, qu’elles forment une infinité de sectes. Les gens de chacune de ces tribus exercent un métier, et aucun de leurs descendants ne l’abandonne, à moins de passer pour infâme dans la tribu. Par exemple, les Bramens qui composent la première tribu, font profession de doctrine, et leurs enfants font la même chose, sans s’en départir jamais. »

C’est peut-être trop dire, car, comme j’ai déjà eu occasion de le remarquer, le brahmane peut être, avec le consentement de la loi, laboureur, krishibalah, commerçant ou exercer d’autres métiers. « Qu’ils remplissent dans le besoin, vrittikarshita, les fonctions qui leur conviennent[3]. » Voilà ce que dit la loi, écho en ceci de la suprême loi, la nécessité qui a le pas sur tout : semper anteit sæva necessitas.

Je reviens à Thevenot.

« La seconde tribu, dit-il, est celle des Çatry ou Raspoutes, qui font profession des armes ; leurs enfans font la même profession, ou le doivent faire, parce que tous prétendent estre descendus des princes… La troisième tribu est des Soudr ou Courmy, ce sont les laboureurs.

» Il y en a de ceux-cy qui suivent les armes ; et comme c’est un métier honnorable et d’une caste supérieure, ils n’en sont point blâmez ; mais parce qu’ils affectent de n’estre pas dans la cavalerie, on s’en sert ordinairement pour les garnisons des places, et cette caste ou tribu est la plus grande de toutes. La quatrième est celle des Ouens ou Banians : tous sont marchands, banquiers ou courtiers[4].

  1. Et encore n’est-ce pas une erreur, relativement parlant. Dans beaucoup de provinces de l’Inde, les çûdras prédominent et parfois les livres indiens les mettent au rang des kshatriyas, par la même qu’ils leur attribuent le cheval qui, au fond, est kshatram, comme le dit expressément le Çatapathabrâhmana, XIII, 2, 2, 15.
  2. Ayoud et Varal. Ces trois provinces, qu’arrosent le Gange et ses affluents sont entre Delhi et Patna.
  3. Mân., VIII. 411. Cf. IV, 3 sqq., X, 81 sq. — Yajnav., III, 35.
  4. Nous avons déjà expliqué le mot par le sanscrit vânija marchand, d’un radical banij commercer. Mais ce qui est singulier, c’est que le mot désigne aussi le figuier sacré, ficus religiosa, que les sûtres appellent açvaltha. Est-ce parce qu’il se répand et se propage à l’infini, comme le commerçant ? L’espace que ce végétal couvre par suite de son mode de propagation atteint parfois plus de 300 mètres de circonférence. Arrien (Indica) en mentionne un à l’ombre duquel 10 000 hommes pouvaient facilement se reposer : καὶ ἄν καὶ μυρίως ἀνθρώπους ὑπο ἑνὶ δένδρει σκιάζεσθαι. Sans doute, c’est là une exagération, mais ce qui est positif, c’est que les upanishats donnent cet arbre « dont les racines sont en haut et les branches en bas », pour le Véda même et que la Bhagavad-Gitâ (XV, 1) dit en conséquence : Celui qui (connaît) ce Véda, celui là connaît le Véda, yastam veda au vedavit.