Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 14 —

cette division en deux classes est un partage grosso modo, qui range d’un côté, le peuple brahmanique, les çûdras, et de l’autre, les aborigènes, les Pareayas ou Parias[1]. Les Naïrs et les Poléas ou Pulevas occupent les points extrêmes de l’échelle sociale dans le Malayala ou Malabar, et leurs noms suffisent, par conséquent, à parfaitement caractériser le système). Je continue ma citation : La loi leur ordonne de ne pas mélanger leur antique caste : A quem obriga a lei não misturar a casta antiga. Ceux qui toujours ont rempli un même emploi ne peuvent prendre une épouse dans une autre profession ; les fils, jusqu’à la mort, n’en auront pas d’autre que celui de leurs aïeux. Les Naïrs (les nobles), regardent comme un grand malheur d’être touchés, même par hasard, par un Poléas, de telle sorte que, ce cas arrivant, ils se lavent et se purifient avec mille cérémonies. Les Naïrs seuls s’exposent au danger des armes, seuls ils défendent leur roi contre ses ennemis. Leurs prêtres sont les brahmanes, nom antique et de haute prééminence. Ils ne tuent rien de ce qui a vie, et, dans leur crainte, ils font une rigoureuse abstinence de viande. Le chef du peuple malabar joint à sa dignité celle du Souverain Pontife : Do summo sacerdocio a dignidade. » C’est là un fait des plus remarquables et Graul, en dernier lieu, l’a confirmé en disant : « Nur brahmanen abkömmlinge besteigen den thron in Malabar »[2].

Mais pour revenir à Camoëns, remarquons qu’il n’explique d’aucune manière l’origine et le développement des mœurs et coutumes des Indiens ; il se contente de dire : « La loi que suit tout le peuple, riches et pauvres, n’est qu’un composé de fables :

A lei da gente toda, rica e pobre,
De fabulas composta se imagina.

Après le voyageur portugais se présente, au xviie siècle, l’Allemand Abraham Roger, missionnaire du Saint Évangile à Palikat sur la côte de Coromandel. Cet auteur, dont le savant Bernier parle avec éloge[3], a consacré aux castes quelques pages des premiers chapitres de son ouvrage sur l’Inde[4], et on voit tout de suite qu’il est bien renseigné. Il tenait d’ailleurs ce qu’il dit sur le sujet de la bouche d’un brâhmane, nommé Padmanaba. C’est ainsi qu’il sait, sinon le premier parmi les voyageurs, du moins le premier parmi ceux qui ont publié quelque

  1. Comme terme général, le mot paria est purement ethnique et n’a aucun sens injurieux. Arriel fait venir paraeya de parae parole, et la parole étant le caractère distinctif de l’homme, les indigènes primitifs s’attribuaient par ce mot le nom d’hommes. Cf. l’ἀνθρώπες μερόπες d’Homère. (Hymn. ad Apollinem, 42).
  2. Reise in Ostindien, I, 231). Ce sont les Nambirs, dont nous avons parlé ci-dessus et ainsi la forme théocratique pure, qui dans le reste de l’Inde n’a pu prévaloir contre l’élément laïque des kshatriyas et des autres castes, qui ont eu au moins le dessus dans le Malabar.
  3. Barnier, Voyages II, 145 ; éd. 1699.
  4. Le titre de cet ouvrage est : la Porte ouverte, ou la vraye représentation de la vie, des mœurs, de la religion et du service divin des Bramines. Trad. Thomas de Grue, Amsterdam, 1670, in 4o. L’édition princeps en allemand date de 1653, Nürnberg.