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Si maintenant nous passons aux informations que nous ont laissées sur le régime castal les Arabes et les Persans qu’on trouve voyageant dans l’Inde depuis le VIIIe siècle, nous rencontrons dans les récits du marchand Soleyman et du Persan Abou-Zeyd, aux IXe et Xe siècle de notre ère, le passage que voici : « La noblesse, dans chaque royaume (de l’Inde) est censée ne faire qu’une seule et même famille ; la puissance ne sort pas de son sein, et les princes nomment eux-mêmes leurs héritiers présomptifs ; il en est de même des hommes de plume et des médecins ; ils forment une caste particulière, et la profession ne sort pas de la caste. » Et plus loin : « Il y a, parmi les Indiens, une classe d’hommes qui ne mangent jamais deux dans un même plat, ni à la même table. Cela leur paraît un péché et une chose déshonnête[1]. »

Ces observations ont le mérite d’être exactes, et on regrette d’autant plus qu’elles ne soient pas plus étendues. Elles suffisent toutefois pour nous faire penser que, aux yeux des susdits voyageurs, le régime avait un caractère essentiellement moral et religieux. Il est fâcheux qu’Ibn-Khaldoun, qui promène son calame sur une infinité de choses, ait négligé précisément le sujet qui nous intéresse ici, et je ne sache pas qu’aucun autre auteur oriental un peu ancien[2], pas même le savant Ibn-Batoutah qui cependant voyagea dans l’Inde, ait été plus attentif à la chose que le confrère de Tunis. Une seule fois, Ibn Batoutah, contemporain, on le sait, d’Ibn-Khaldoun, mentionne les brâhmanes et les kshatryas[3]. Le savant ministre du sultan Barkok a cependant dû connaître la Géographie d’Edrisi, écrite depuis deux siècles[4] et où tous les voyageurs sont mis à contribution. On y trouve sur les castes les renseignements que voici :

« Les Indiens sont divisés en sept castes ; la première est celle des Sakerié[5]. Ce sont les plus nobles ; c’est parmi eux, et non ailleurs, que sont choisis les rois. Toutes les autres se prosternent devant eux, et eux ne se prosternent devant personne. Viennent ensuite les Brahmes, qui sont les religieux de l’Inde ; ils sont vêtus de peaux de tigres et autres. Quelquefois l’un d’entre eux, tenant un bâton à la main, rassemble autour de lui la foule. Debout depuis le matin jusqu’au soir, il adresse la parole aux assistants, leur parle de la gloire et de la puissance de Dieu, et leur explique les événements qui ont amené la ruine des autres peuples anciens. Ils ne boivent ni vin, ni liqueurs fermentées. La troisième caste est celle des Kasterié, qui peuvent boire jusqu’à trois rôtls de vin, mais non davantage, de peur que leur raison

  1. V. Relation des voyages faits par les Arabes, etc., tr. Reinaud, I, p. 51, 151.
  2. De ceux, bien entendu, dont les ouvrages subsistent.
  3. Voyages d’Ibn Batoutah, IV, p. 51, trad. Defrémery.
  4. Edrisi naquit en 1099 ; Ibn Kaldoun, en 1332.
  5. Ce sont sans doute les Naïrs les plus nobles du Malabar, les Kirit nairs, (V. Francis Buchanan, A journey from Madras through the countries of Mysore, Canara and Malabar, U. 408 sqq. ; London, 1807.