Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 3 —

et autres. Et pour avoir ces sept castes, car les mots μέρη chez lui et γενεαί chez Arrien, ont, dans l’espèce, le sens de castes[1], il divise la caste brâhmanique en deux classes, la première et la septième et fait de la partie des Vaiçyas laboureurs, la seconde. L’autre partie, les marchands[2], il la place avec les ouvriers des métiers serviles, qui forment légalement une caste spéciale[3], dans la quatrième classe, tandis que, erreur capitale ! il assigne la cinquième aux guerriers et à leurs servants. La sixième classe présente le bizarre mélange de hauts employés, de brâhmanes par conséquent, et d’espions. Une méprise absolument inexplicable est à noter relativement à la troisième classe, dans laquelle notre auteur range les pâtres et les chasseurs τρίτον τὸ τῶν ποιμένων καὶ θηρευτῶν, c’est-à-dire les gens qui sont peut-être vaiçyas tout au moins çûdras, avec les bâtards (classes mêlées), et les exclus de toutes castes ; out-casts, ou même avec des êtres qui sont hors la loi, les dasyus.

On ne s’explique pas que Mégasthène ne se soit pas aperçu de sa méprise sur la troisième caste, puisqu’il ajoute au sujet de ceux qui, suivant lui, la composent : Ils mènent une vie errante et habitent sous des tentes : πλάνητα καὶ σκηνίτην νεμόμενοι βίον. Comment cette observation qui s’applique si bien aux candalas et autres out-casts[4], n’a-t-elle pas ouvert les yeux à notre diplomate ? Et puis, qui lui avait dit qu’aucun Indien ne se sert d’esclaves[5] ? L’esclavage, dâsya, a été de tout temps, même dans la première époque védique, légal parmi les Aryas ; ce qui est vrai seulement, c’est qu’il ne peut avoir lieu que dans l’ordre des Castes et non au rebours, de cet ordre[6], c’est-à-dire qu’un vaiçya ne peut pas être l’esclave d’un çûdra, ni le kshatriya, l’esclave d’un vaiçya. Mais le çûdra est esclave né ou du moins serf ; il est né pour servir et nourrir les trois castes supérieures ; la servitude lui est naturelle, nisargajam[7].

Après cela, l’erreur de Mégasthène à cet égard peut s’expliquer par ce fait que l’esclavage indien était fort doux et l’est toujours. La servi-

  1. Cela est indubitable par ce qu’il dit de l’empêchement légal de ces classes de se mêler entre elles par des mariages et de changer de profession : οὐκ ἔστι δ’οὔτε γαμεῖν ἐξ ἄλλου γένους οὔτ’ἐπιτήδευμα, κτλ. (Strab. ap. Schwanbeck, p. 125). Et même il sait que l’occupation héréditaire est prescrite dans une seule et même classe, qu’un cultivateur, par exemple, ne peut pas se faire pâtre, que le pâtre ne peut pas devenir artisan, etc.
  2. Ranikpathan kusîdan ca vaiçyasy krishim eva ca faire le commerce, prêter à intérêt, labourer (est) du Vaiçya (Mân., I, 90 ; cf. Yajnav., I, 119).
  3. Celle des Çûdras. (Mân. I, 91 ; VIII, 410).
  4. Candâlânâm vahir grâmât pratiçrayah la demeure des Candâlas sera hors du village. (Mân., X, 51. Yajnav., I, 93 : cândâluh sarvadharmavahishkrilah le Cândâla (est) mis hors la loi est considéré comme chien, çvacând. (Ib. I, 103).
  5. Ap. Strabon., XV, 1, § 54.
  6. Varnânâm ânulomyena dâsyan na pratilomatah (Yajn. II, 183).
  7. V. Mânav., VIII, 413 sq.