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C’est ce que fit, le premier parmi les anciens, le Grec Mégasthène, envoyé de Seleucus Nicator auprès du puissant Maurya, le roi Candragupta[1] (Sandracottus), à Pâtaliputra (Palibothra)[2], capitale alors, et longtemps encore après, de toute l’Inde aryenne (Aryâvarta), sur le confluent du Gange et du Soane (Çona).

Mégasthène était bon observateur. Arrien, qui est une autorité, nous dit qu’il est digne de foi, δοκίμω ἂνδρε[3]. Peut-être même était-il, sinon élève du Stagirite, du moins de l’école de cet observateur par excellence de l’antiquité. Il écrivit ce qu’il avait vu durant son séjour dans l’empire des Prasiens, les Autrichiens de l’Inde[4], mais l’ouvrage en quatre parties ou livres sur les choses indiennes, τὰ Ἰνδικά, ne nous est pas parvenu en son entier ; nous ne le connaissons que par les fragments heureusement fort étendus que nous en ont conservés Strabon, Diodore, Pline et Arrien, pour ne nommer que ceux-là.

Nous possédons ainsi, grâce surtout à Strabon et à Arrien, tout ce que Mégasthène a écrit sur les castes[5]. Notre diplomate s’applique à bien voir l’ensemble des choses. Il ne paraît pas qu’il en soit de même quant aux détails. L’auteur semble brouiller et confondre les castes. On ne peut du moins nier que la distribution qu’il en fait ne soit singulière. On dirait qu’il voit fort bien qu’il n’y a que quatre castes, puisque tout ce qu’il dit sur le sujet rentre exactement, sauf la classe qui est pour lui la troisième, dans la grande division fondamentale ; néanmoins il affirme, influencé peut-être par des textes officiels suivant lesquels un royaume est formé de sept membres[6], que le peuple de l’Inde est divisé en sept classes, τὸ τῶν Ἰνδῶν πλῆθος εἰς ἑπτὰ μέρη διῃρῆσθαι[7]. Cette erreur a été répétée ensuite à l’infini par les auteurs arabes

  1. On connaît trois rois de ce nom, mais les deux autres sont d’une dynastie postérieure à celle-ci de quatre siècles. Puis, dans le Népal la première dynastie est aussi une dynastie Gupta. Le Candragupta dont il est question ici régna de 313 à 291. Athénée est le seul écrivain grec qui écrive assez correctement ce nom, à savoir : Σανδρόκυττος. (Deipnos., I. 32 ; t. I. p. 32 ; Merneke). Wilford qui, le premier, remarqua la chose, lut même Σανδρόκυπτος.
  2. L’emplacement de Palibothra, longtemps douteux et que, depuis d’Anville, on cherchait à Allahâbad, quoique Rennel en eût déjà reconnu la position exacte, a été définitivement fixé par W. Schlegel (Ind. Bibli. II, 395) et par Ravenshaw, un peu à l’ouest de la ville actuelle de Patna. Le mémoire de Ravenshaw a été publié en 1845 dans the Journ. of the Asiatic Soc. of Bengal, XIV, p. 137-154, avec une carte.
  3. Ariani Exped. Alexandri, V, 5, 1.
  4. Le nom des Prasii revient en effet au mot prâcya (est), et veut dire ainsi, comme celui des Autrichiens, Œstreicher, habitants de la région (ou empire) est. Cf. Wilson, Works XII, p. 135 ; 3e éd. 1871. Le Gange étant l’artère principale de ce pays, le nom de Gangaridæ, riverains du Gange, se trouve habituellement joint chez les anciens au nom des Prasii. Schwanbeck suppose qu’il faut lire chez Étienne de Byzance, Πράξιοι au lieu de Πράσιοι, et Lassen préfère avec raison chez Diodore la leçon Γαγγαρίδαι à Γανδαρίδαι, nom qui nous conduit bien plus à l’ouest, dans la contrée de l’Indus.
  5. V. Strabonis Geographica, lib. XV, c. 1. §§ 39-41. Arrian. Indica, XI, XII.
  6. Saptângan râjyam ucyate. (Mânavadh., IX, 294).
  7. Nous ne pensons pas qu’il fut guidé, à son insu, par une réminiscence d’Hérodote qui dit des Égyptiens : ἔστι δὲ Αἰγυπτίων ἑπτὰ γένεα (II, 164).