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ऊर्ध्वं प्राणा ह्युत्क्रामन्ति यूनः स्थविरायति ।
पत्युत्थानाभिवादाम्यां पुनस्तान् प्रतिपद्यते ॥ १२० ॥

Le commentateur explique ce qu’il faut entendre par le mouvement des esprits vitaux qui s’élancent en haut ; il pense qu’ils désirent sortir du corps[1] देहादृहिर्निर्गन्तुम् इच्छन्ति, et on comprend qu’il s’agit ici de cette sensation qui vous saisit au contact de certaines choses physiques ou morales et vous ôte la respiration. En se levant, le jeune homme s’élance en quelque sorte après ses esprits, prâna[2], et en s’inclinant, il les fait rentrer en lui. Certainement, ces raisons peuvent paraître puériles ; néanmoins, si on y réfléchit on s’aperçoit qu’il y a là comme un agencement de mouvements qui seconde la nature à reprendre son équilibre, si tant est que les fonctions vitales puissent se troubler dans notre organisme par la sensation du respect, ce que la jeunesse d’aujourd’hui, avec son merveilleux aplomb, ne voudra jamais croire.

  1. Le mot dêha « corps » dérive de दिह् souiller (v. Bopp, Gloss. sansk., s. h. v., et Lassen, Anthol. sansc., ib.) et veut dire ainsi : « qui souille » la pureté de l’âme, cf. Bhagavad-Gitâ, XIII, 31 sq., où il est dit que l’âme suprême même (api) n’est pas souillée par sa présence dans les corps. Il est vrai qu’il s’agit ici du çarîra et non du dêha. Néanmoins, c’est la même doctrine. L’idée de la souillure de l’âme par le corps appartient principalement à la doctrine du yoga, qui est de date relativement moderne dans l’Inde ; la religion védique ne connaît pas le mot dêha. Ainsi par ce passage encore, la rédaction de Manu est enlevée au terrain de l’antiquité indienne. (Cf. Weber, Ind. Stud., Il, 184, 198, et note 2)
  2. Le mysticisme tout matériel des Upanishats fait de prâna un Dieu, et de plus le dieu suprême, Brahma. (Voy. Kaushîtaki-Up., lect. II, ap. Weber, Ind. Stud. I, 403, 405, 419 et alibi). Dans l’Aitarêya-Brâhmana, V, 32, qui fait partie du Rik, Pradjâpati, le seigneur des créatures, tire le monde du prâna ou souffle.