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plupart des adhérents de la philosophie viennoise s’occupent de préférence ou exclusivement des énoncés de cette dernière sorte, c’est-à-dire des propositions scientifiques, et, parmi celles-ci, des propositions des mathématiques et des sciences exactes qui servent de modèles aux autres sciences, d’où le reproche qui leur est souvent fait de s’occuper uniquement de ces disciplines et d’être sans compréhension pour les questions concernant les sciences de l’esprit et de la vie, ainsi que d’une façon générale, pour tous les problèmes de valeur. Notre prédilection pour la logistique a été particulièrement blâmée. On nous a fait le reproche de vouloir traiter tous les problèmes à l’aide d’une seule méthode préconçue et de les vouloir couler dans une forme mathématique qui ne leur est pas adéquate. Mais, tout d’abord, il n’est pas exact de dire que la logistique soit identique à la mathématique : il serait plus juste d’affirmer que la mathématique est logistique, car elle est à la logique ce que l’espèce est au genre. En outre, la logique n’est pas une méthode mais un langage. Nous tenons pour utile, suivant l’exemple de Leibniz, l’emploi de ce langage partout où il est applicable. Nous blâmer pour cela serait aussi déraisonnable et injuste que d’accuser Platon d’avoir écrit ses dialogues en grec.

En vérité, l’école de Vienne se comporte à l’égard des questions de valeur et de morale, de la même façon que la philosophie de Socrate : pour elle l’éthique est une tâche philosophique et elle sait que l’éclaircissement des concepts moraux est infiniment plus important pour l’homme que tous les problèmes théoriques. Assurément, il y a beaucoup plus de travaux consacrés à l’analyse des concepts mathématiques et physiques qu’aux concepts éthiques. Mais cela n’a aucune importance de principe. Deux causes psychologiques l’expliquent surtout. La première réside dans le fait que les hommes qui ont l’aptitude nécessaire à l’éclaircissement des concepts, du fait même de cette aptitude logique, sont devenus généralement des savants dans le domaine des sciences exactes et s’y sont cantonnés. La seconde raison psychologique qui explique qu’on ait négligé la philosophie morale réside dans la confusion des concepts éthiques et surtout psychologiques. On ne peut, en effet, préciser le sens des jugements de valeur morale sans avoir éclairci quantité de propositions psychologiques, ce qui rend extrêmement difficile l’incertitude lamentable des notions fondamentales de cette science et ce qui effraie tous ceux qui ne se satisfont que de résultats parfaitement rigoureux. Mais, en principe, nos efforts se portent aussi bien vers les questions de l’éthique que vers celles