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quelque chose qui fait défaut à cette dernière (elles ne peuvent au contraire qu’en dire moins), mais en ce qu’elles ne veulent pas seulement exprimer, mais aussi accomplir autre chose. Elles veulent en effet en dernier lieu inspirer et provoquer des expériences vécues, enrichir le royaume de l’expérience vécue dans une direction déterminée ; la connaissance n’est pour les Humanités (bien qu’elles le reconnaissent parfois à contrecœur) qu’un moyen d’atteindre ce but ; la poésie atteint même ce but sans ce moyen, par des excitations directes. Ce n’est donc pas sans raison que l’on oppose parfois la connaissance des sciences exactes à la « compréhension » des sciences humaines, cette dernière étant une sorte de vécu qui se rattache à certaines connaissances. L’historien a « compris » un processus historique lorsqu’il a acquis (revécu) les expériences dont il pense qu’elles ont également eu lieu chez les personnes impliquées dans ce processus. On peut penser ce que l’on veut de la relation des valeurs — personnellement, il va de soi que l’enrichissement de l’expérience vécue constitue toujours la tâche la plus élevée, voire la plus haute — mais il faut se garder de confondre ces sphères si nettement séparées : l’expérience vécue profonde n’est pas plus précieuse parce qu’elle exprimerait une forme supérieure de connaissance, elle n’a plutôt absolument rien à voir avec la connaissance ; et si la connaissance du monde n’est pas identique à l’expérience du monde, ce n’est pas parce que la connaissance ne remplirait que mal sa tâche, mais parce que, de par sa nature et sa définition, la connaissance a d’emblée une tâche spécifique, qui se trouve dans une toute autre direction que l’expérience vécue.

L’expérience est un contenu, la connaissance, de par sa nature, tend vers la forme pure. L’intégration inconsciente des valeurs dans des questions essentielles incite toujours à mélanger les deux. Nous lisons ainsi chez H. Weyl : « Cependant, celui qui ne veut que formaliser les choses logiques, et non les voir — et la formalisation est bien la maladie des mathématiciens — ne trouvera son compte ni chez Husserl ni chez Fichte ». Mais nous