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Il est naturel que l’humanité soit très fière de l’avancée constante de ses connaissances. La joie que nous éprouvons à contempler le progrès scientifique est pleinement justifiée. La science résout les problèmes les uns après les autres ; et les succès du passé nous donnent de bonnes raisons d’espérer que ce processus se poursuivra, peut-être même à un rythme plus rapide. Mais va-t-il, peut-il, continuer indéfiniment ? Il semble un peu ridicule de supposer qu’un jour pourrait venir où tous les problèmes imaginables seraient résolus, de sorte qu’il ne resterait plus aucune question à laquelle l’esprit humain aurait envie de répondre. Nous sommes convaincus que notre curiosité ne sera jamais complètement satisfaite et que le progrès de la connaissance ne s’arrêtera pas lorsqu’il aura atteint son dernier but.

Il est communément admis qu’il existe d’autres raisons impératives pour lesquelles le progrès scientifique ne peut se poursuivre indéfiniment. La plupart des gens croient en l’existence de barrières infranchissables par la raison et l’expérience humaines. On croit que les vérités finales et peut-être les plus importantes sont cachées en permanence à nos yeux ; la clé de l’Énigme de l’Univers serait enfouie dans des profondeurs dont l’accès est interdit à tous les mortels par la nature même de l’Univers. Selon cette croyance commune, il existe de nombreuses questions que nous pouvons formuler et dont nous pouvons saisir complètement le sens, bien qu’il soit définitivement impossible d’en connaître la réponse qui se situe au-delà de la limite naturelle et nécessaire de toute connaissance. À l’égard de ces questions, un ignorabimus définitif est prononcé. La nature, dit-on, ne veut pas que ses secrets les plus profonds soient révélés ; Dieu a fixé une limite de connaissance qui ne doit pas être dépassée par ses créatures, et au-delà de laquelle la foi doit prendre la place de la curiosité.

Il est facile de comprendre l’origine d’un tel point de vue, mais il n’est pas évident de comprendre pourquoi il devrait être considéré comme une attitude particulièrement pieuse ou révérencieuse. Pourquoi la nature nous paraîtrait-elle plus merveilleuse si elle ne peut être connue complètement ? Elle ne souhaite certainement pas dissimuler quoi que ce soit à dessein, car elle n’a aucun secret, rien dont elle puisse avoir honte. Au contraire, plus