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« ma » peut être utilisé de manière significative, c’est-à-dire lorsqu’en remplaçant « son » ou « votre », nous obtiendrions la description d’un état de fait possible. Cette condition est remplie si « ma » est défini comme se référant au corps M, et elle serait également remplie si j’acceptais d’appeler « mon corps » tout corps dans lequel je peux ressentir de la douleur. Dans notre monde réel, ces deux définitions s’appliquent à un seul et même corps, mais il s’agit d’un fait empirique qui peut être différent. Si les deux définitions ne coïncidaient pas et si nous adoptions la seconde, nous aurions besoin d’un nouveau mot pour distinguer le corps M des autres corps dans lesquels je pourrais avoir des sensations ; le mot « mon » aurait un sens dans une phrase du type « A est l’un de mes corps, mais B ne l’est pas », mais il n’aurait aucun sens dans l’énoncé « Je ne peux ressentir de la douleur que dans mes corps », car il s’agirait d’une simple tautologie.

La grammaire du mot « propriétaire » est similaire à celle du mot « mon » : il n’a de sens que lorsqu’il est logiquement possible pour une chose de changer de propriétaire, c’est-à-dire lorsque la relation entre le propriétaire et l’objet possédé est empirique et non logique ( « externe » et non « interne » ). Ainsi, on pourrait dire « le corps M est le propriétaire de cette douleur » ou « cette douleur est la propriété des corps M et O ». La seconde proposition ne peut peut-être jamais être affirmée dans notre monde réel (bien que je ne voie pas en quoi elle serait incompatible avec les lois de la nature), mais toutes deux auraient un sens. Leur sens serait d’exprimer certaines relations de dépendance entre la douleur et l’état de certains corps, et l’existence d’une telle relation pourrait facilement être testée.

Le solipsiste refuse d’utiliser le mot « propriétaire » de cette manière sensée. Il sait que de nombreuses propriétés des données ne dépendent pas du tout des états des corps humains, c’est-à-dire de toutes les régularités de leur comportement qui peuvent être exprimées par des « lois physiques » ; il sait donc qu’il serait faux de dire « mon corps est le propriétaire de tout », et il parle donc d’un « soi », ou « ego », ou « conscience », et déclare que c’est le propriétaire de tout. (L’idéaliste, d’ailleurs, commet la même erreur lorsqu’il affirme que nous ne connaissons rien d’autre que des « apparences » ). C’est un non-sens, car le mot « propriétaire », utilisé de cette manière, a perdu son sens. L’affirmation solipsiste ne peut être ni vérifiée ni falsifiée, elle sera vraie par définition, quels que soient les faits ; elle consiste simplement en la prescription verbale d’ajouter la phrase « appartenant à Moi » aux noms de tous les objets, etc.

Nous voyons ainsi qu’à moins que nous ne choisissions d’appeler notre corps le propriétaire ou le porteur