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l’homme qui non seulement a vu beaucoup de choses mais qui sait aussi en tirer profit pour ses actions. C’est dans ce second sens (d’ailleurs le sens que le mot a dans la philosophie de Hume et de Kant) que la vérifiabilité doit être déclarée indépendante de l’expérience. La possibilité de vérification ne repose sur aucune « vérité expérimentale », sur une loi de la nature ou sur toute autre proposition générale vraie, mais elle est déterminée uniquement par nos définitions, par les règles qui ont été fixées pour notre langage, ou que nous pouvons fixer arbitrairement à tout moment. Toutes ces règles renvoient finalement à des définitions ostensives, comme nous l’avons expliqué, et c’est à travers elles que la vérifiabilité est liée à l’expérience au sens premier du terme. Aucune règle d’expression ne présuppose de loi ou de régularité dans le monde (ce qui est la condition de l’« expérience » telle que Hume et Kant l’utilisent), mais elle présuppose des données et des situations, auxquelles des noms peuvent être attachés. Les règles du langage sont des règles d’application du langage ; il faut donc qu’il y ait quelque chose à quoi elles peuvent s’appliquer. L’exprimabilité et la vérifiabilité sont une seule et même chose. Il n’y a pas d’antagonisme entre la logique et l’expérience. Non seulement le logicien peut être en même temps empiriste, mais il doit l’être s’il veut comprendre ce qu’il fait lui-même.

IV

Prenons quelques exemples pour illustrer les conséquences de notre attitude à l’égard de certaines questions de la philosophie traditionnelle. Prenons le cas célèbre de la réalité de l’autre côté de la lune (qui est aussi l’un des exemples du professeur Lewis). Aucun d’entre nous, je pense, ne serait prêt à accepter un point de vue selon lequel il serait absurde de parler de la face détournée de notre satellite. Peut-on douter le moins du monde que, selon nos explications, les conditions de signification sont amplement remplies dans ce cas ?

Je pense qu’il n’y a pas de doute. Car à la question « À quoi ressemble l’autre côté de la lune ? », on pourrait répondre, par exemple, en décrivant ce que verrait ou toucherait une personne située quelque part derrière la lune. La question de savoir s’il est physiquement possible pour un être humain — ou pour tout autre être vivant — de voyager autour de la lune n’a même pas à être soulevée ici ; elle n’est absolument pas pertinente. Même si l’on pouvait démontrer