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nous pouvons nous interroger sur le sens d’une phrase, et cela revient à se demander : « De quelle proposition la phrase tient-elle lieu ? » Et l’on répond à cette question soit par une proposition dans une langue qui nous est déjà parfaitement familière, soit en indiquant les règles logiques qui feront de la phrase une proposition, c’est-à-dire qui nous diront exactement dans quelles circonstances la phrase doit être utilisée. Ces deux méthodes ne diffèrent pas en principe ; toutes deux donnent un sens à la phrase (la transforment en proposition) en la situant, pour ainsi dire, dans le système d’un langage défini ; la première méthode utilise un langage que nous possédons déjà, la seconde le construit pour nous. La première méthode représente le type le plus simple de la « traduction » ordinaire ; la seconde permet d’approfondir la nature du sens et devra être utilisée pour surmonter les difficultés philosophiques liées à la compréhension des phrases.

La source de ces difficultés se trouve dans le fait que, très souvent, nous ne savons pas manier nos propres mots ; nous parlons ou nous écrivons sans nous être préalablement mis d’accord sur une grammaire logique définie qui constituera la signification de nos termes. Nous commettons l’erreur de penser que nous connaissons le sens d’une phrase (c’est-à-dire que nous la comprenons comme une proposition) si nous sommes familiers avec tous les mots qui y figurent. Mais cela n’est pas suffisant. Elle ne conduit pas à la confusion ou à l’erreur tant que nous restons dans le domaine de la vie quotidienne par lequel nos mots ont été formés et auxquels ils sont adaptés, mais elle devient fatale dès que nous essayons de réfléchir à des problèmes abstraits au moyen des mêmes termes sans avoir soigneusement fixé leur signification pour le nouvel objectif. En effet, chaque mot n’a une signification précise que dans un contexte précis dans lequel il a été intégré ; dans tout autre contexte, il n’aura aucune signification, à moins que nous n’établissions de nouvelles règles pour l’utilisation du mot dans le nouveau cas, et cela peut être fait, au moins en principe, de manière tout à fait arbitraire.

Prenons un exemple. Si un ami me disait : « Emmène-moi dans un pays où le ciel est trois fois plus bleu qu’en Angleterre ! » Je ne saurais comment exaucer son souhait ; sa phrase me paraîtrait absurde, car le mot « bleu » est utilisé d’une manière qui n’est pas prévue par les règles de notre langue. La combinaison d’un chiffre et du nom d’une couleur ne s’y trouve pas ; la phrase de mon ami n’a donc pas de sens,