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mais ce ne serait pas impensable, et cela suffit pour que nous déclarions que notre connaissance des parties cachées n’est que pratiquement, et non absolument impossible. Cela resterait vrai s’il existait une loi de la nature qui empêcherait à jamais un voyage de notre planète à son satellite ; car les lois de la nature pourraient être différentes, et nous pouvons les imaginer modifiées de telle sorte que nous pourrions dire ce qu’il faudrait faire et quelles devraient être nos facultés physiques et mentales si nous voulions jouir de la vue de la surface détournée de la lune.

Il faut bien admettre que la plupart des questions que l’on peut se poser sur le monde ne trouvent pas de réponse, car nos connaissances sont limitées. Mais bien qu’elle puisse être définitivement limitée, si les limitations sont du type que je viens de décrire, elles ne sont pas « absolues » — elles peuvent être en fait insurmontables, mais elles n’inquiètent pas le philosophe : lorsqu’il prononce son ignorabimus, il veut affirmer une impossibilité absolue de savoir, il veut dire qu’il existe certains domaines de connaissance qui sont en principe inaccessibles à l’entendement humain.

Le point de vue que j’ai défendu est strictement opposé à toutes les philosophies qui croient en une limitation essentielle de la connaissance, en un domaine de l’Être qui est en principe inconnaissable. Il y a beaucoup de choses qui nous sont cachées, mais il n’y en a aucune qui ne puisse être révélée. Tout ce que nous ne savons pas en réalité peut au moins être connu en principe ; il n’y a pas d’ignorabimus absolu bien qu’il y ait d’innombrables cas d’ignoramus, l’étendue de la connaissance possible n’a pas de limite, aucune question n’est nécessairement sans réponse pour l’esprit humain.

Aucun raisonnement élaboré n’est nécessaire pour prouver cette affirmation ; comme tout ce que j’ai dit, c’est une simple conséquence de la définition de la connaissance ; en d’autres termes, c’est une tautologie ; en d’autres termes encore, l’affirmation selon laquelle il existe des frontières infranchissables qui restreignent nécessairement toute connaissance humaine n’est pas fausse, c’est une contradiction absurde. Nous pouvons facilement nous en convaincre en examinant une fois de plus l’ensemble de la situation d’où est issue la doctrine agnostique des vérités éternellement cachées.

Si nous demandons à l’agnostique pourquoi il croit en l’existence d’une réalité qui ne peut jamais être connue et qui est, dans une certaine mesure, « transcendante », il répondra qu’il la déduit de son expérience. Il dit que pour comprendre le monde de l’expérience (soit en raison d’éléments a priori qu’il semble con