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la simple affirmation que la bague est posée sur le livre : la structure représentée dans la proposition n’est qu’une caractéristique du fait. Tous les faits (et il y en a une infinité) qui ont cette caractéristique en commun rendraient la proposition vraie. L’éventail des faits décrits par une certaine proposition est plus ou moins large selon la nature de la proposition. Si je dis « l’anneau se trouve au milieu de la couverture du livre », l’intervalle est plus petit ; si je dis « l’anneau se trouve sur le livre ou sur la table », il devient encore plus grand. La proposition « l’anneau est posé sur le livre ou ailleurs » décrirait encore beaucoup plus de possibilités, et, finalement, la proposition « il y a un anneau et il n’y a pas d’anneau » englobe tous les faits possibles, elle est toujours vraie. Si elle est toujours vraie quels que soient les faits, elle doit être a priori et, de fait, si on y regarde de plus près, on reconnaît qu’il s’agit d’une tautologie. Nous voyons : une tautologie ou une proposition analytique est un cas limite d’une proposition lorsque l’éventail des faits avec lesquels elle est compatible embrasse toutes les possibilités, ou, pouvons-nous dire, le monde entier (Wittgenstein). Dans ce cas, la proposition cesse d’exprimer quoi que ce soit ; elle est vraie, non pas parce que la structure correspond à une gamme particulière de faits dans le monde, mais parce qu’elle ne pointe vers aucun fait particulier. Elle est vraie en vertu de sa propre structure ou, dans le langage de la logique ancienne, elle ne possède qu’une « vérité formelle », alors qu’une proposition synthétique possède une « vérité matérielle », c’est-à-dire qu’elle exprime un fait réel.

Les tautologies (ou jugements analytiques) sont les seules propositions a priori, elles ont une validité absolue, mais elles le doivent à leur propre forme, pas à une correspondance aux faits, elles ne nous disent rien sur le monde, elles représentent simplement des structures.

Kant avait vu correctement, bien qu’assez vaguement, que si une proposition est valide a priori, elle doit devoir sa validité à la forme de la connaissance, et non à sa matière, parce que notre entendement ne peut pas savoir à l’avance quelle matière se présentera à l’esprit dans l’expérience, alors qu’il peut très bien imprimer sa propre forme à n’importe quelle matière. Il concluait ainsi que les jugements synthétiques a priori, auxquels il croyait, trouvaient le fondement de leur validité dans les formes de notre raison (les catégories) et de notre intuition (l’espace et le temps). Mais hélas ! il ne voyait pas que même tout l’appareil compliqué de cognition qu’il inventait ne pouvait pas expliquer la possibilité des propositions synthétiques a priori ; et il était incapable de s’en rendre compte parce que ses « formes »