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par définition, j’ai accepté de ne pas le faire, c’est tout. Kant reconnaissait que la plupart des propositions synthétiques étaient a posteriori, mais cela ne l’intéressait pas ; il croyait qu’il y avait aussi des propositions synthétiques qui étaient nécessairement et généralement vraies, c’est-à-dire a priori, et il pensait que les vérités les plus fondamentales de la science naturelle et toutes les positions mathématiques étaient de ce genre.

Il voyait clairement l’extrême importance de cette question (si vous croyez un jugement synthétique a priori, vous êtes un rationaliste, bien que Kant n’ait pas avoué ce nom) ; si vous ne le croyez pas, vous êtes un empiriste, et ces deux philosophies sont diamétralement opposées l’une à l’autre, et aucune réconciliation entre elles n’est possible. (Le point de vue de Kant lui-même ne les réconcilie pas, comme il le croyait, mais constitue une solution essentiellement rationaliste).

Les résultats de nos deux premiers exposés rendent absolument impossible l’acceptation de tout autre point de vue que le point de vue empiriste. La connaissance, nous l’avons vu, est l’expression d’un fait nouveau au moyen de termes anciens, elle est fondée sur la reconnaissance des constituants du fait. Sans cette reconnaissance, il n’y a pas de connaissance, et elle ne fait pas que procéder de la connaissance, elle en constitue la base logique, elle en fonde la validité. Mais ce processus est évidemment ce que l’on appelle communément « l’expérience ». Qu’entendons-nous lorsque nous utilisons le mot « expérience » sinon ce premier travail (et son résultat), qui consiste à reconnaître le matériau premier qui se présente à nous et à lui donner ses noms propres ? La matière est antérieure à tout ce que nous pouvons en dire — comment pourrait-il en être autrement ? L’affirmation selon laquelle toute connaissance est empirique est elle-même une simple tautologie — cette remarque nous évitera d’être trop fiers de notre empirisme.

Le rationalisme, par contre, n’est pas un point de vue possible qui se trouve être faux et que l’on découvre erroné après un examen attentif de la raison humaine et de son rapport au monde — non, il est tout simplement auto-contradictoire.

Un jugement synthétique a priori serait une proposition qui exprime un fait sans dépendre de ce fait, ce qui est contradictoire avec l’essence de l’expression. On sait comment Kant a tenté d’éviter cette absurdité : il a soutenu que les faits dépendaient des propositions (c’est du moins ce à quoi sa doctrine se résume) — un paradoxe qui n’a pu être rendu plausible qu’après que toute la situation ait été obscurcie par une grande confusion. Il est très instructif de suivre les chemins détournés de la pensée de Kant