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logique, c’est-à-dire de tout appel au sens des mots apparaissant dans les propositions, que ce sens soit fourni par l’expérience ou par la mystérieuse « intuition pure » de Kant. Une preuve est purement logique si elle est valide en vertu de sa seule forme, indépendamment du sens de ses termes (l’exemple le plus simple est le vieux modus barbara : si tous les M sont P. et si tous les S sont M, alors tous les S sont P, quel que soit le sens des termes M, S, P).

Or, qu’est devenue la géométrie après l’épuration de tous les éléments non logiques ? Puisque toutes ses déductions ou preuves peuvent maintenant être effectuées par quelqu’un qui n’a pas du tout d’accointance avec la signification des symboles, tout le système peut être considéré comme tel, en ne tenant compte que de sa cohérence intérieure et sans tenir compte de sa signification. Il ne s’agit plus alors d’une science physique — (car dans une science physique tous les symboles doivent représenter des choses ou des événements physiques, ils doivent signifier quelque chose) — c’est devenu de la géométrie « pure », quelque chose qui n’intéresse que le pur mathématicien, qui s’amuse à transformer des expressions les unes dans les autres sans se soucier de ce qu’elles expriment ; elle ne nous dit plus rien sur l’espace, même si le mot « espace » y apparaît continuellement ; elle a perdu tout contact avec la réalité ; c’est un cadre, qui n’encadre rien ; c’est une simple structure sans contenu. Si l’on ne s’intéresse pas à l’application de la structure, l’ensemble particulier d’axiomes des systèmes devient sans importance, et le mathématicien peut s’amuser à introduire des changements arbitraires. Cela a conduit à l’invention de géométries « non euclidiennes », qui ont d’abord été considérées comme des créations vides de l’esprit humain, jusqu’à ce que l’on trouve des applications physiques pour certaines d’entre elles, par exemple dans le cadre de la théorie de la relativité.

C’est évidemment à cette géométrie pure que Bertrand Russell pensait lorsqu’il a donné sa célèbre définition des mathématiques comme la science dans laquelle nous ne savons pas de quoi nous parlons ni si ce que nous disons est vrai. En effet, si l’on ne tient pas compte de la signification de nos symboles, il est évident que nous ne parlons de rien de particulier et qu’avant de leur donner une signification, on ne peut pas se poser la question de savoir si l’on parle vraiment ou si l’on parle faussement. Je ne pense pas que M. Russell s’en tiendrait à sa définition actuelle ; il serait difficilement capable de la faire correspondre à l’arithmétique telle qu’il la conçoit lui-même, et elle donne l’impression erronée que les mathématiques sont réellement une science