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Une feuille verte est posée sur mon bureau. Mes doigts la touchent, mes yeux la voient, je suis conscient de sa figure, de sa couleur, de son poids approximatif, etc. Vous, qui n’êtes pas présent dans ma chambre, n’êtes conscient d’aucune de ces propriétés, mais il m’est possible de vous les communiquer en décrivant la feuille. La description exprime ses propriétés ; comment s’effectue-t-elle, et y a-t-il des limites ? D’après ce qui a été dit précédemment, nous pourrions être amenés à penser qu’il doit y avoir deux sortes de propriétés : celles qui peuvent être décrites et communiquées, et celles qui ne peuvent pas l’être ; les premières constituant la structure de la feuille, les secondes sa matière ou son contenu. Mais ce serait une erreur, car dans un certain sens on peut donner une description complète de toutes les propriétés de la feuille, et ce n’est pas de cette manière simple que nous arrivons à la distinction entre forme et contenu.

La taille de la feuille sera décrite en donnant ses différentes mesures, par exemple en pouces ; sa figure sera communiquée en mentionnant sa similitude avec la forme d’un objet connu (« en forme de cœur », etc.) ou en donnant un dessin de son contour, qui, théoriquement, pourrait être remplacé par une équation mathématique représentant la courbe du contour. De même, une description de la couleur peut être donnée par certaines combinaisons de mots telles que « vert jaunâtre foncé », « un peu plus foncé que la robe verte d’une certaine Madone de Raphaël », et ainsi de suite ; et si cela ne semble pas assez précis, je pourrais indiquer les circonstances physiques exactes dans lesquelles la lumière de cette couleur verte particulière est produite ; ou, enfin, je pourrais vous envoyer un morceau de papier avec une tache verte et écrire en dessous : « Cette couleur est exactement comme celle de la feuille sur mon bureau ». Je pourrais continuer ainsi et répondre à toutes les questions que vous pourriez poser sur la feuille, sans aucune exception.

Toutes mes réponses, toutes mes descriptions de la feuille sont des propositions par lesquelles je peux vous communiquer l’ensemble de mes connaissances sur la feuille. Cette connaissance est la connaissance d’un certain ensemble de faits, et si nos arguments précédents sont vrais, mes propositions expriment ces faits en vous transmettant leur structure logique, et rien d’autre que leur structure logique.

La plupart des gens trouveront difficile de voir qu’il en est ainsi ; ils seront enclins à croire que mes descriptions contiennent des informations sur la « matière » ainsi que sur la structure des faits qu’elles expriment. Même les affirmations concernant la figure et la taille de la feuille ne semblent pas être