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plus impossible à l’homme de regarder l’arrière de la lune. Nous voyons donc que notre question appartient bien au premier groupe ; les raisons pour lesquelles on ne peut y répondre ne sont que de nature accidentelle. Cela peut intéresser le scientifique, mais le philosophe ne s’en préoccupe pas, il est préoccupé par l’autre groupe de problèmes : ceux qui sont insolubles en principe : la raison pour laquelle ils ne peuvent être résolus n’est pas un état de fait accidentel dans l’univers, mais elle semble plus profonde ; dans ce deuxième cas, on parle d’impossibilité philosophique ou logique.

La différence entre les deux groupes est la suivante : dans le premier cas, nous pouvons au moins imaginer des moyens de trouver une solution, même si ces moyens n’existent nulle part dans le monde, alors que dans le cas de l’impossibilité philosophique, aucune imagination ne peut nous rapprocher de la réponse ; il n’y a pas de moyens sur lesquels même l’imagination pourrait essayer d’atteindre le but. Nous ne pouvons pas imaginer ce que nous devrions faire ou ce qui devrait se produire dans le monde pour nous conduire à la réponse à notre question précédente : « Comment une sensation peut-elle naître de mouvements de molécules du cerveau ? » Cette question appartient donc au deuxième groupe ; les philosophes s’en sont toujours préoccupés.

Dans la plupart des philosophies, il y a des problèmes de ce genre : certaines questions sont considérées comme « dépassant notre entendement » ou comme des mystères que nous ne pouvons pas comprendre.

Notre « philosophie de l’expérience » adopte une attitude tout à fait différente. Pour la comprendre, posons la question suivante : « Quel est le critère qui nous permet de décider si un problème “insoluble” appartient au premier ou au second groupe ? » Je pense que le critère doit être énoncé de la manière suivante : toutes les questions auxquelles on peut en principe répondre (y compris celles qui peuvent être techniquement insolubles à un moment ou à un endroit donné) trouvent toujours une réponse d’une certaine manière, à savoir par référence à une observation (qu’il s’agisse de la nature ou de nous-mêmes), ou par toute méthode scientifique qui présuppose toujours l’observation, c’est-à-dire l’apparition de certaines impressions sensorielles — en bref, par l’expérience.

Une question peut en principe recevoir une réponse (j’aimerais dire : c’est une « bonne question ») si nous pouvons imaginer les expériences que nous devrions faire pour donner la réponse. Une réponse à une question est toujours une proposition. Pour comprendre une proposition, il faut pouvoir indiquer exactement les circonstances particulières qui la rendraient vraie et les autres circonstances particulières qui la rendraient fausse. « Circonstances »