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son sens ? La réponse est la suivante : Nous connaissons la signification d’une proposition lorsque nous sommes capables d’indiquer exactement les circonstances dans lesquelles elle serait vraie (ou, ce qui revient au même, les circonstances qui la rendraient fausse). La description de ces circonstances est absolument la seule façon d’éclaircir le sens d’une phrase. Une fois qu’il a été clarifié, nous pouvons rechercher les circonstances réelles dans le monde et décider si elles rendent notre proposition vraie ou fausse. Il n’y a pas de différence essentielle entre la façon dont nous décidons de la vérité et de la fausseté en science et dans la vie de tous les jours. La science se développe de la même manière que la connaissance dans la vie quotidienne. La méthode de vérification est essentiellement la même ; seuls les faits par lesquels les déclarations scientifiques sont vérifiées sont généralement plus difficiles à observer.

Il semble évident qu’un scientifique ou un philosophe qui émet une proposition doit nécessairement savoir de quoi il parle avant de chercher à en découvrir la vérité. Mais il est très remarquable que, dans l’histoire de la pensée humaine, il est souvent arrivé que des penseurs essaient de découvrir si une certaine proposition était vraie ou fausse avant d’en connaître clairement le sens, avant de savoir vraiment ce qu’ils désiraient découvrir. Cela a été le cas parfois même dans des recherches scientifiques, dont je citerai des exemples tout à l’heure. Et j’ai presque envie de dire que cela a presque toujours été le cas dans la philosophie traditionnelle. Comme je l’ai dit, le scientifique a deux tâches. Il doit découvrir la vérité d’une proposition et il doit aussi en découvrir le sens, ou bien on doit le découvrir pour lui, mais en général il est capable de le découvrir par lui-même. Dans la mesure où le scientifique découvre le sens caché des propositions qu’il utilise dans sa science, il est un philosophe. Tous les grands scientifiques ont donné de merveilleux exemples de cette méthode philosophique. Ils ont découvert la signification réelle de mots qui étaient utilisés très couramment au début de la science, mais dont personne n’avait jamais donné un compte rendu parfaitement clair et précis. Lorsque Newton a découvert le concept de « masse », il était à l’époque véritablement un philosophe. Le plus grand exemple de ce type de découverte à l’époque moderne est l’analyse par Einstein de la signification du mot « simultanéité » tel qu’il est utilisé en physique. Il se passe continuellement quelque chose « en même temps » à New York et à San Francisco, et bien que l’on ait toujours cru savoir parfaitement ce que signifiait une telle affirmation,