Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée

cependant, la grande différence entre la science et la philosophie se révèle. La science montre un développement progressif. Il n’y a pas le moindre doute que la science a progressé et continue à progresser, bien que certaines personnes parlent avec scepticisme au sujet de la science. On ne peut pas sérieusement douter un seul instant que nous en savons beaucoup plus sur la nature, par exemple, que ce qu’en savaient les personnes vivant aux siècles antérieurs. Il y a incontestablement une certaine forme de progrès en science, mais si nous sommes parfaitement honnêtes, un même genre de progrès ne se peut découvrir en philosophie.

Les mêmes grands problèmes qui sont discutés aujourd’hui ont été discutés au temps de Platon. Quand, pendant un moment, il semblait qu’une certaine question avait été définitivement réglée, cette même question ne tardait pas à resurgir et devait être discutée et réexaminée. Il est caractéristique du travail philosophique que le philosophe a toujours dû recommencer depuis le commencement. Il ne prend jamais rien pour acquis. Il pense que toute solution à un problème philosophique n’est pas certaine ou pas assez sûre, et il sent qu’il doit tout recommencer à partir de zéro quand il s’agit de régler un problème. C’est là donc cette différence entre la science et la philosophie qui nous rend très sceptiques quant aux progrès futurs de la philosophie. Malgré tout, nous pourrions croire que les temps peuvent changer et que nous pourrions peut-être trouver le vrai système philosophique. Mais cet espoir est vain, car on peut trouver des raisons expliquant pourquoi la philosophie a échoué, et doit échouer, à produire des résultats scientifiques durables comme ceux que la science a réalisés. Si ces raisons sont bonnes, alors nous serons justifiés à nous défier de n’importe quel système philosophique et à croire qu’un tel système ne se présentera pas dans le futur.

Permettez-moi de dire d’emblée que ces raisons ne se trouvent pas dans la difficulté des problèmes auxquels à affaire la philosophie ; elles ne sont pas non plus dans la faiblesse et l’incapacité de l’entendement humain. Si elles se trouvaient là, on pourrait facilement concevoir que l’entendement et la raison humains pourraient évoluer, et que, si nous ne sommes pas actuellement assez intelligents, nos successeurs pourraient être assez intelligents pour développer un système. Non, la véritable raison est à trouver dans un malentendu et une mésinterprétation curieuses de la nature de la philosophie ; elle se situe dans l’incapacité de distinguer entre l’attitude scientifique et l’attitude philosophique. Elle se situe dans l’idée que la nature de la philosophie et celle de la science sont plus ou moins les mêmes, qu’elles sont toutes deux composées de systèmes de propositions vraies à propos du monde. En réalité, la philosophie n’est jamais un système de propositions, et elle donc très différente de la science. La