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l’histoire de la philosophie, comme il semble en exister dans d’autres recherches de l’esprit humain, la science ou la technique par exemple.

La question que nous allons poser ce soir est la suivante : « Ce chaos qui a existé jusqu’à présent continuera-t-il d’exister à l’avenir ? » Les philosophes continueront-ils à se contredire les uns les autres, à ridiculiser chacun les opinions des autres, ou y aura-t-il enfin une sorte d’accord universel, une unité mondiale des croyances philosophiques ?

Tous les grands philosophes ont cru qu’avec leurs propres systèmes une nouvelle ère de la pensée avait commencé, qu’ils avaient, enfin, découvert la vérité définitive. S’ils n’y avaient pas cru, ils n’auraient guère pu accomplir quoi que ce soit. C’est le cas de Descartes, par exemple, lorsqu’il introduisit la méthode qui a fait de lui « le père de la philosophie moderne », comme on l’appelle habituellement ; de Spinoza lorsqu’il tenta d’introduire la méthode mathématique en philosophie ; ou même de Kant lorsqu’il déclara dans la préface de son plus grand ouvrage que la philosophie pourrait dorénavant commencer à travailler avec une assurance que seule la science possédait jusqu’à présent. Tous ont cru qu’ils avaient pu mettre fin au chaos et commencer quelque chose d’entièrement nouveau qui aboutirait enfin à une augmentation de la valeur des opinions philosophiques. Mais l’historien ne peut généralement pas partager une telle croyance ; elle peut même lui sembler ridicule.

Nous voulons poser la question : « Quel sera l’avenir de la philosophie ? » exclusivement du point de vue du philosophe. Toutefois, pour répondre à cette question, il nous faudra recourir à la méthode de l’historien, car nous ne pourrons dire ce que sera l’avenir de la philosophie que dans la mesure où nos conclusions seront tirées de notre connaissance de son passé et de son présent.

Le premier effet d’un examen historique des opinions philosophiques est que nous éprouvons la certitude de ne pouvoir accorder aucune confiance à aucun système. S’il en est ainsi — si nous ne pouvons pas être cartésiens, spinozistes, kantiens, etc. — il semble que la seule possibilité soit que nous devenions sceptiques et enclins à croire qu’il ne peut y avoir de système philosophique vrai, car s’il y avait un tel système, il semble qu’il aurait dû au moins être pressenti et qu’il se serait manifesté de lui-même d’une manière ou d’une autre. Cependant, lorsque nous examinons l’histoire de la philosophie avec honnêteté, il semble que les choses se présentent comme s’il n’y avait aucune trace d’une découverte qui pourrait conduire à une opinion philosophique unanime.