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moins que le sentiment dont elles formulent les conséquences intellectualisées. Ainsi, le sentiment en nous de notre dépendance absolue est, comme cela a été dit tout à l’heure, pour le théologien, une preuve de l’existence de Dieu qui surpasse et rend inutiles toutes celles fournies par le raisonnement.

D’un intérêt plus général que les définitions métaphysiques est le fait que Schleiermacher réintègre à présent dans la notion du Divin les caractères principaux du Dieu chrétien. Dans la première édition des Discours, on voyait bien apparaître quelques expressions qui attribuent à l’Univers une conscience et un plan : « l’Esprit du monde », une quinzaine de fois ; « une merveilleuse disposition aménagée par l’Univers », page 100 ; « l’esprit de l’Univers qui le gouverne avec liberté et raison », page 126. Mais là, de telles expressions se perdaient dans le flot d’une pensée dont l’ondoiement a une orientation plus panthéiste que théiste.

Maintenant, le théologien a le souci de faire voir comment les attributs traditionnels du Dieu chrétien s’expliquent et se justifient dans sa conception. Il a besoin de déclarer d’abord : « Tous les attributs que nous conférons à Dieu doivent être entendus comme caractérisant une particularité non de Dieu lui-même, mais de la façon dont nous rapportons à lui notre sentiment de dépendance absolue », paragraphe 50, I, 242. On ne peut pas plus nettement faire passer les attributs chrétiens de Dieu, ainsi que je l’indiquais plus haut, du plan de la réalité objective sur celui du sentiment subjectif. C’est sur ce plan que l’auteur les définit et les discute dans les chapitres que j’ai signalés. De l’omniscience par exemple, il déclare qu’il faut entendre par là la spiritualité absolue de la toute puissance divine, et, abordant de front les difficultés qui naissent en particulier du rapport de la prescience divine avec la liberté humaine, il explique que ces difficultés viennent de l’erreur que nous commettons en ne distinguant pas le savoir humain, nécessairement analytique, de la science divine synthétique, qui résulte de l’identité, et par conséquent de la simultanéité en Dieu, du vouloir, du pouvoir et du savoir.

D’une particulière importance est le fait que Schleiermacher reconnaît ici, beaucoup plus expressément que dans les Discours, l’existence d’un plan divin à l’égard du monde,