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Telles sont les affirmations par lesquelles Schleiermacher prépare sa déclaration capitale de la page 55 : « Intuition de l’Univers, je vous demande de vous familiariser avec cette notion ; elle est le pivot de tout mon discours, elle est la formule la plus générale et la plus haute de la religion… c’est elle qui permet d’en déterminer le plus exactement la nature essentielle et les limites. »

On voit qu’il emploie ici indifféremment les termes Univers, Infini, ailleurs Totalité, Unité, Éternel, Absolu, pour désigner ce que par scrupule de conscience, comme je l’ai indiqué plus haut, il évite le plus souvent à cette époque d’appeler Dieu. Il s’explique à cet égard dans la suite de ce discours. Ses explications sont loin d’être aussi nettes qu’on les souhaiterait. On voudrait savoir dans quelle mesure le divin tel qu’il l’entend se distingue de l’univers connaissable, dans quelle mesure il lui est immanent ou transcendant. Schleiermacher tourne autour de la question sans la poser distinctement.

Il discute assez longuement sur la nature de Dieu aux pages 124 à 130. Ce qui est surtout sensible là, c’est que la question ne l’intéresse pas vivement. Le problème doit, d’après sa philosophie générale, relever de la métaphysique plutôt que de la religion, page 58. Or, du point de vue de la métaphysique, il est insoluble : une définition de Dieu est impossible, car toute définition est une limitation, par conséquent Dieu, l’Absolu, l’Infini, est par définition ineffable. Du point de vue religieux, l’idée que chacun se fait de Dieu dépend des besoins de sa raison, de son sentiment et de son imagination ; il faut laisser à tous une grande liberté à ce sujet. En cela, Schleiermacher est parfait romantique et le restera toujours. Ce libéralisme lui a permis et continue à lui permettre d’agir, non seulement sur des esprits indépendants comme lui ou plus que lui, mais aussi sur des croyants qui ont besoin de dogmes plus positifs, auxquels il n’adhère pas lui-même, mais dont il admet très bien la nécessité chez d’autres.

Ce qu’il se laisse aller à dire au sujet du divin reste très vague, ici comme plus loin. Il parle de la façon dont certains se représentent Dieu : soit comme chaos, soit comme pluralité sans unité, soit comme totalité ou unité dans la pluralité, système, pages 125-130, 187, 202, 240, 255-60 ;