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soit un calvinisme plus positif, plus passionné, plus impérieux. Là est la raison des plus sérieuses réserves faites à l’égard de sa doctrine.

Comme couronnement de ce résumé des idées du Schleiermacher romantique sur les rapports entre la morale et la religion, notons une remarque qu’il formulera dans le troisième discours, page 162 : « Ce qui fait défaut à notre génération, ce sont des héros de la religion, des âmes saintes comme on en voyait jadis, pour lesquelles elle est tout, qui sont tout pénétrés d’elle ». Cette observation prouve qu’il se rend compte de ce qui manque au quiétisme pour suffire comme ferment d’un renouveau religieux. Celui dont il porte en lui l’idée se développera au sein du protestantisme, parce que le théologien saura le nourrir d’éléments puisés, non dans l’idéalisme romantique où il s’imagine, en 1799, pouvoir les trouver, mais à la bonne source, celle de la tradition créée et entretenue par les héros et les saints du christianisme.

D’ailleurs, son effort pour dissocier la religion d’avec la morale n’est jamais inspiré dans les Discours par l’indifférence, et très rarement, comme on peut estimer qu’elle l’est dans les Lettres sur la Lucinde, par un certain dilettantisme esthétisant à l’égard de cette dernière. Nous avons vu qu’il fait preuve au contraire d’une exceptionnelle rigueur dans son exigence d’absolu désintéressement à l’endroit des sanctions dans l’au-delà.

Voilà le plus intéressant dans ce que le pasteur protestant trouve à dire à ce moment sur la morale dans ses rapports avec la religion. Sa pensée se résume dans un aphorisme de tour bien romantique, et très souvent cité comme tel : « Toute activité proprement dite doit être morale et peut l’être, mais les sentiments religieux doivent accompagner tout ce que l’homme fait comme une musique sacrée ; il doit tout faire avec religion, rien par religion », p. 68-69. En 1806 il maintient cet aphorisme, en en renversant simplement l’ordre hiérarchique : « ne rien faire par religion, tout faire avec religion ». Formule du dilettantisme d’un « virtuose » de la vertu ? En apparence, et cette apparence déjà peut être jugée sévèrement au nom d’une vertu plus austère. Mais nous savons par d’autres déclarations, l’auteur n’estime pas nécessaire de le rappeler ici parce que c’est pour lui une vérité qui va sans dire, que si la religion vraie, la piété du cœur ne formulent pas de commandements moraux, elles ne peuvent