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mique constante [296] contre tout élément réel dans la religion se trouve posée comme une tâche à laquelle jamais ne peut être donnée une satisfaction entièrement suffisante. Précisément parce que le principe irréligieux existe et agit partout, et parce que tout ce qui est réel apparaît en même temps comme dépourvu de sainteté, le but du christianisme est une sainteté infinie. Jamais satisfait de ce qu’il a obtenu, il cherche, même dans ses intuitions les plus pures, jusque dans ses sentiments les plus sacrés, il cherche encore les traces du principe irréligieux, et de la tendance de tout fini à s’opposer à l’Univers[1] et à s’en détourner. Un des plus anciens écrivains sacrés critique, sur le ton de l’inspiration la plus haute, l’état religieux des communautés de croyants[2] ; les grands apôtres parlent d’eux-mêmes avec une franchise naïve, et ainsi chacun doit s’avancer pour prendre place dans le cercle sacré, en tant non seulement que membre inspiré et enseignant mais, de plus, offrant son apport en toute humilité au contrôle général ; et rien ne doit être ménagé, pas même ce qu’on a de plus cher et précieux, rien ne doit jamais être paresseusement mis de côté, pas même ce qui est le plus universellement admis. Ce qui, sur le plan exotérique, est proclamé saint et présenté au monde comme l’essence de la religion, est toujours encore, sur le plan exotérique, soumis au jugement répété d’une juridiction sévère, afin que toujours plus d’impureté soit éliminée, et que l’éclat des [297] couleurs célestes brille toujours plus pur sur toutes les intuitions de l’Infini.

Vous voyez dans la nature qu’une masse composite, quand elle a dirigé ses forces chimiques contre quelque chose d’extérieur à elle, dès qu’elle en est venue à bout ou que l’équilibre est établi, entre elle-même en fermentation intérieure, et élimine ceci ou cela de sa propre masse. Il en est ainsi pour des éléments partiels et des masses entières du christianisme ; il finit par diriger sa force polémique contre lui-même ; craignant toujours d’avoir, dans sa lutte contre l’irréligion externe, absorbé

  1. C : à l’unité du Tout.
  2. Peut être inspiré par saint Paul, en particulier 1re aux Corinthiens, 5.