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recueilli le dispose en ordre, un art divin le pare et le parfait, et ainsi, de toutes les manières et jaillissant de toutes les sources, retentit la louange et la prise de conscience de l’Infini, chacun apportant d’un cœur joyeux les fruits les plus mûrs de ce qu’il médite et voit, saisit et sent.

Ils sont entre eux un chœur d’amis. Chacun sait qu’il est, lui aussi, une partie et une œuvre de l’Univers, dont l’activité et la vie divines se manifestent en lui aussi. [234] Il se considère donc comme un digne objet de contemplation intuitive pour autrui. Ce qu’il perçoit en lui-même des connexions de l’Univers, ce qui des éléments de l’humanité prend en lui une forme particulière, tout est mis à nu avec une sainte pudeur, mais avec une sincérité largement ouverte, de telle sorte que chacun puisse entrer et contempler[1]. Pourquoi se cacheraient-ils réciproquement quelque chose ? Tout ce qui est humain est saint, car tout est divin[2]. Ils sont entre eux une union de frères — ou bien avez-vous une expression de plus intime tendresse pour la fusion complète de leurs natures, en vue non de l’être et de la volonté, mais du sens et de l’intelligence compréhensive ? Plus chacun se rapproche de l’Univers, plus chacun se communique à l’autre, plus parfaitement ils deviennent un. Aucun n’a plus un état de conscience à part pour soi, chacun a en même temps celui de l’autre ; ils ne sont plus seulement des hommes, ils sont aussi humanité, et, sortant d’eux-mêmes, triomphant d’eux-mêmes, ils sont sur la voie de l’immortalité et de l’éternité vraies.

Si vous avez trouvé dans un autre domaine de la vie humaine, ou dans une autre école de sagesse, quelque chose de plus sublime, faites-m’en part. Quant à moi, je vous ai, donné ce qui est mien.


  1. Cf. p. 237.
  2. Le Schleiermacher de 1821 n’a pas éprouvé le besoin de nuance, ce qu’une formule si absolue peut avoir de dangereux ; cf. p. 66, note 24.