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atmosphère, fuit et leur échappe, et ils cheminent de nouveau quelque temps en proie à un certain sentiment de vide, jusqu’à ce qu’ils se soient de nouveau saturés négativement.

Telle [195] est, en peu de mots, l’histoire de leur vie religieuse, et tel est le caractère de la tendance à la sociabilité qui en fait partie intégrante. Non pas de la religion, seulement un peu de sens pour elle, et un effort pénible, piteusement infructueux, pour s’élever jusqu’à elle : voilà tout ce qu’on peut reconnaître aux meilleurs mêmes d’entre eux, à ceux qui agissent à cet égard avec intelligence et avec zèle. Au cours de leur vie familiale et civile, sur la scène plus vaste sur laquelle se déroulent les événements qu’ils voient en spectateurs défiler devant eux, il arrive naturellement bien des choses qui doivent affecter le sens religieux, si minime soit-il. Mais cela reste simplement un obscur pressentiment, faible impression sur une masse trop molle, dont les contours ont tôt fait de se diluer dans l’indéterminé ; tout est bientôt emporté par les flots de la vie pratique dans la région des souvenirs la moins visitée, pour être là aussi bientôt complètement enseveli sous des choses de ce monde. Cependant, de la répétition assez fréquente de cette petite stimulation naît finalement un besoin ; le phénomène obscur qui se produit dans l’esprit reparaissant toujours, à la fin veut être clarifié. Le meilleur moyen pour cela, devrait-on sans doute penser, serait que ces gens prissent la peine d’examiner calmement et exactement ce qui [196] agit ainsi sur eux ; mais ce qui agit ainsi, c’est l’Univers ; or dans celui-ci sont contenues entre autres aussi toutes les choses particulières auxquelles ils ont à penser et dont ils ont à s’occuper sur les autres plans de leur vie. Par vieille habitude, leur sens se dirigerait involontairement vers ces dernières, et le sublime et l’infini se fragmenterait de nouveau sous leurs yeux et se morcellerait en ce qui ne serait que choses distinctes et minimes. Ils sentent cela. C’est pourquoi ils n’ont pas confiance en eux-mêmes, et cherchent une aide étrangère : ils veulent contempler dans le miroir d’une représentation étrangère ce qu’ils ne feraient qu’adultérer dans leur perception directe.

Ainsi ils cherchent à parvenir à la religion, mais fina-