Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle votre attention, pour vous faire partager mon opinion dans l’essentiel.

J’espère que, en conséquence de ce qui précède, vous êtes d’accord avec moi sur le fait que, dans la véritable sociabilité religieuse, toute communication est réciproque : le principe qui nous pousse à exprimer ce qui nous est propre est intimement apparenté avec celui qui nous incline à nous rattacher à l’élément étranger, et ainsi action et réaction sont liées de la façon la plus inséparable. Ici au contraire[1] vous trouvez de prime abord un genre tout à fait différent : tous veulent recevoir, alors qu’un seul doit donner ; tous laissent agir sur eux de la même manière par le moyen de tous les organes, dans une complète passivité, dans laquelle leur contribution est tout au plus une participation venant de leur intérieur, pour autant qu’ils ont de pouvoir sur eux-mêmes, [194] ils n’ont même pas l’idée de réagir sur autrui. Cela ne montre-t-il pas avec une suffisante netteté que le principe aussi de leur esprit de société doit être tout différent ? Il ne peut sans doute pas être question chez eux qu’ils ne veuillent que compléter leur religion par celle d’autrui, car s’il y avait effectivement de la religion en eux, elle s’attesterait en exerçant d’une manière quelconque, parce que c’est dans sa nature, une action sur d’autres. Ils ne réagissent pas parce qu’ils ne sont pas capables de réaction, et la seule raison pour laquelle ils en sont incapables est qu’il ne se trouve pas en eux de religion. Si vous permettez que je me serve d’une image prise dans la science à laquelle j’emprunte le plus volontiers les expressions pour les choses de la religion[2], je dirai : ils sont religieux négativement, et par suite se pressent en grandes masses vers les rares points où ils pressentent la présence du principe positif de la religion pour s’unir à celui-ci. Mais quand ils l’ont accueilli en eux, ce qui alors leur fait défaut, c’est la capacité de retenir et conserver le nouveau produit. La matière subtile que ne pouvait pour ainsi dire que flotter autour de leur

  1. Transition maladroite pour passer de l’Église idéale à la réelle, qu’il va faire voir bien différente de cet idéal.
  2. Schleiermacher est en effet particulièrement intéressé par les analogies entre électricité et magnétisme et les forces spirituelles.