Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques changements extérieurs entretiennent le souvenir de l’événement tenu au début pour merveilleusement grand : l’éducation raisonnable et pratique ne se distingue plus que peu de l’ancienne, la mécanique, et ce peu ne réside ni dans l’esprit ni dans l’influence exercée. Cela ne vous a pas échappé. Cette éducation vous est déjà en majeure partie aussi odieuse qu’à moi[1], et une idée plus pure se répand au sujet, soit de la sainteté de l’âge enfantin, soit de l’éternité de l’inviolable liberté[2], dont on doit attendre et épier les manifestations chez les êtres humains dans la phase déjà aussi de leur devenir. Bientôt ces limites seront rompues, la force intuitive prendra possession de tout son domaine, chaque organe s’ouvrira, et les objets pourront de toute manière entrer [164] en contact avec l’homme. Mais, avec cette liberté illimitée du sens peut très bien se concilier une limitation et une ferme direction de l’activité.

C’est ici la grande exigence avec laquelle les meilleurs d’entre vous affrontent à présent contemporains et postérité. Vous êtes las d’être les co-spectateurs de cet infructueux va-et-vient encyclopédique. Vous n’êtes vous-mêmes devenus ce que vous êtes que par la voie de cette auto-limitation, et vous savez qu’il n’y en a pas d’autre pour se former et se cultiver. Vous insistez, par suite sur le fait que chacun doit chercher à devenir un être déterminé, et se livrer à une activité quelconque avec constance et de toute son âme. Personne ne peut se rendre compte de la justesse[3] de ce conseil mieux que celui qui s’est déjà élevé par sa maturation à cette universalité du sens, car celui-là ne peut pas ignorer qu’il n’y aurait point d’objets si tout n’était pas disjoint et limité. Et donc je me réjouis, moi aussi, de ces efforts, et je voudrais qu’ils eussent déjà produit plus de résultats. Ils serviront avec une excellente utilité la cause de la religion. Car c’est précisément la limitation de la force, pourvu que le sens ne soit pas limité avec elle, qui fraie d’autant plus sûrement à celui-ci la voie vers l’Infini, et rouvre ainsi la

  1. Ce complément nécessaire du comparatif n’est formulé que dans C.
  2. Texte de B, qui remplace par Freiheit le Willkür de A.
  3. A disait : « la vérité ».