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pour elles-mêmes une impression grande et sublime.

Que s’affirme ici une fois de plus cette conviction, et que chacun de vous en juge selon la conscience qu’il en a : il y a beaucoup d’êtres qui exhalent la plus fraîche haleine de leur jeune vie dans une sainte nostalgie et un saint amour de l’éternel et de l’impérissable, et ne sont vaincus par le monde que tard, peut-être jamais complètement ; il n’y en a point à qui le haut Esprit du monde ne soit une fois au moins, apparu, jetant, à celui qui, honteux de lui-même, rougissait de l’indigne étroitesse de ses limites, un de ces regards pénétrants que l’œil baissé peut [162] sentir sans le voir.

Ce qui manque à cette génération, et ne peut pas ne pas lui manquer, ce sont seulement les héros de la religion, les âmes saintes comme on en voyait autrefois, pour qui elle est tout, qu’elle pénètre tout entiers. Et toutes les fois que je réfléchis sur ce qui doit arriver et sur la direction que doit prendre notre culture pour que de nouveau des hommes religieux apparaissent, dans un style supérieur, produits, rares sans doute, mais naturels de leur époque, je trouve que vous-mêmes, — il vous appartient de décider si c’est consciemment ou non — par tout l’effort de votre aspiration, vous n’aidez pas peu à une palingénésie de la religion, et que soit votre activité générale, soit le zèle d’un cercle plus étroit, soit les très hautes idées de quelques esprits exceptionnels, sont utilisés, au cours de la marche de l’humanité, en vue de ce but final.

L’étendue et la vérité de l’intuition dépendent de l’acuité et de la portée du sens, et le plus sage, dépourvu de sens, n’est pas plus proche de la religion que le plus fou, doué d’un regard juste. Le point de départ de tout, c’est donc que fin soit mise à l’esclavage dans lequel le sens des hommes se trouve maintenu, [163] maintenu pour favoriser ces exercices de la raison qui n’exercent rien, ces explications qui n’éclairent rien, ces analyses qui ne résolvent rien. Et c’est là un but en vue duquel vous travaillerez bientôt tous dans l’union de vos forces. Il en a été des améliorations de l’éducation comme de toutes les révolutions qui n’ont pas été entreprises en s’inspirant des plus hauts principes : elles reviennent peu à peu par glissement à la vieille allure des choses, et seuls