Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régulier, comme professeur de théologie attitré, comme écrivain discuté, mais avec respect, qu’il a agi sur ses contemporains jusqu’à sa mort, en 1834, à l’âge de 66 ans. Par ses disciples et leurs descendants, par ses œuvres toujours lues et commentées, son influence lui a survécu. Elle entretient maintenant encore, avec le dynamisme qui continue à émaner d’une autorité éminente comme la sienne, un des courants toujours vivants du protestantisme moderne.

Sa foi et sa pensée ont été nourries d’autres aliments, plus substantiels, que ceux offerts par l’idéalisme philosophique de son époque. Il a été profondément influencé au cours de sa première jeunesse par le piétisme allemand, et dans cette religiosité sentimentale il a trouvé une très estimable vulgarisation de la grande mystique chrétienne qui, depuis le schisme, se perpétue sous des formes protestantes comme sous des formes catholiques. Ses études de théologie l’ont ensuite mis en communication immédiate avec cette haute mystique et fait participer à ses richesses. Il s’en assimile surtout ce qu’elle doit au Nouveau Testament, directement, et par les interprétations qu’en donnent Luther et ses disciples. Ce spiritualisme concret, nourri de tradition millénaire, reprendra en lui plus de consistance dans la mesure où sa religion redeviendra plus positive. Il est déjà à la base de ses Discours de 1799.

Là, cependant, c’est l’idéalisme allemand, sous sa forme romantique d’alors, qui inspire du plus près les réserves de sa pensée comme les aspirations de son esprit. C’est donc dans cette ambiance en particulier qu’il convient de situer ses idées, négatives et positives, de cette période.

On peut estimer qu’il lui doit surtout l’acuité accrue en lui d’un esprit de subtilité esthétisante, contre lequel le théologien comme le pasteur aura à réagir pour rester fidèle à sa vocation et accomplir sa mission. En effet, l’affectivité, souvent fantaisiste, ou même trop souvent libertaire, dans laquelle se complaît ce premier romantisme allemand, est de nature à désagréger et affaiblir les armatures doctrinales dont la force aide la foi à maintenir la tradition.

Mais d’autre part, dans ce romantisme, le jeune théologien trouve l’aperception du subconscient, le sens du mystère dans l’homme et dans la nature, l’aspiration à l’infini, le culte du sentiment avec ce qu’il a d’individuel et de l’intui-