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que le principe de toute moralité, la conscience, est une impulsion primitive, qui combat puissamment et l’instinct animal et les raisonnements sophistiques qui ne sont pas puisés à la source de la conscience elle-même. Ils ont enfin sonsidéré les axiomes de la raison comme des inductions de l’expérience, tandis qu’il est impossible de faire la moindre expérience sans présupposer ces mêmes axiomes.

Les philosophes qui se croient des hommes supérieurs en lumières à leur siècle, n’en sont souvent que les élèves et les interprètes. Ils expriment les lâches désirs de leurs contemporains comme le vœu universel de l’humanité. Au lieu de dire ce qui est toujours, et ce qui doit être nécessairement, ils nous racontent ce qu’ils ont vu dans les autres et senti dans eux-mêmes. Ainsi ces systèmes monstrueux de matérialisme, de sensualité et d’égoïsme moral que le dernier siècle a enfantés ou reproduits (car on ne peut pas même lui accorder la gloire de l’invention) ont un côté malheureusement très-vrai : ce sont des confessions.

Même ceux qui ont voulu reconnaître la double nature de l’homme, l’ont en général envisagé d’une façon très-grossière, comme l’amalgame de deux portions hétérogènes, existant chacune complètement et indépendamment de l’autre. Ils font entrer une âme raisonnable, comme un hôte étranger, dans un corps organisé tout prêt à la recevoir. C’est là non-seulement une supposition tout à fait gratuite, mais une grande violence faite à notre imagination ; car nous n’avons aucune conception d’une existence intellectuelle sans existence physique, et de l’autre côté, quoique la nature paraisse nous présenter