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dessèche et le consume intérieurement, que cela le rejette plus en arrière de ceux dont il envie le sort fortuné : cependant il ne s’en désiste pas. Le diable se réjouit du mal, il le veut, il le fait, dût-il lui en coûter mille douleurs déchirantes. Gœthe fait dire à Méphistophelès : « Je ne connais rien de plus maussade au monde qu’un diable qui désespère. »

Enfin peut-on dire, dans les vues chrétiennes, que le diable n’ait obtenu aucun succès, puisqu’il a conduit tant d’âmes à la perdition, en dépit de tous les efforts de la miséricorde divine ?

Je dirai encore que, s’il existe un diable, il doit nécessairement être athée. Je n’ignore pas le passage de l’Écriture qui me semble être contraire, mais pour le moment je laisse la cette discussion. — —

38.

Quand la religion, ou plutôt quand la superstition commande, tous les sentiments humains doivent se taire. Des femmes carthaginoises mettaient leurs enfants entre les bras brûlants de leur dieu Moloch, et des parents catholiques envoient leurs jeunes filles nubiles au confessionnal. La prostitution est pire que la mort ; la prostitution de l’âme est pire que celle du corps : et c’est là une prostitution de l’âme.

A l’âge où le sexe se développe, une jeune personne éprouvera des émotions vagues et je ne sais quel pressentiment de délices inconnues ; elle les éprouvera d’autant plus qu’elle est mieux douée par la nature ; car le tempérament est une vertu de l’organisation. Mais une vierge élevée dans les habitudes de la pudeur, détournera son