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délits et des crimes, qui soit fondée sur le droit naturel, et appliquée à tel ou tel état social. Car les tribunaux établis pour venger la religion offensée, en punissant les blasphèmes, les sacrilèges, les hérésies, et la défection, tels que l’Inquisition, se permettent tout et avouent tout.

37.

Schleiermacher, dans son système ou plutôt dans son examen de la foi chrétienne, éconduit formellement le diable, en lui réservant néanmoins, ce qui est assez plaisant, ses titres honoraires dans la liturgie. Soit : j’aime cela mieux encore que l’extrême opposé, où se sont jetés quelques théologiens de nos jours, entre autres Fr. Schl. Ceux-ci élargissent tellement la sphère du démon, qu’à les entendre il semble douteux si c’est bien Jehovah ou Lucifer qui aurait créé ce monde visible. Mais je trouve les arguments de Schleiermacher peu concluants, et je m’étonne qu’un esprit philosophique ait pu en mettre en avant de pareils. Comment admettre, dit-il, que le diable soit en révolte permanente, tandis qu’il a dû se convaincre que tous ses efforts sont vains contre la toute-puissance divine. Il aurait donc fait sa soumission, et tâché d’obtenir sa grâce. — Vous supposez un diable raisonnable et calme. Un prince qui entreprend une guerre d’ambition contre un souverain beaucoup plus puissant, après avoir éprouvé de nombreuses défaites, pour sauver le reste, consentira sans doute à faire la paix, même à des conditions fort humiliantes. Mais cette soumission qui vous parait si naturelle, est rendue impossible par l’embrasement de l’orgueil et le déchaînement de toutes les passions haineuses. Un homme envieux sait bien que ce sentiment le