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des mains de l’auteur des choses : ainsi l’homme est bien. Comment donc, étant parfait lui-même, aurait-il acquis cette singulière faculté de gâter toutes les productions de la nature qui lui tombent entre les mains ? Pour expliquer cela, il vous faudra convenir que l’homme n’est plus tel que Dieu l’avait créé primitivement ; que, par une cause quelconque, inconnue aux philosophes, un dérangement est survenu dans sa constitution physique et intellectuelle. et que ce dérangement est héréditaire. Or, c’est précisément là le péché originel. Certes, il n’était pas dans vos intentions de soutenir ce dogme. Vous y avez été pris a votre insu.

Un livre paradoxal comme l’Émile, qui brusque toutes les opinions reçues, a dû être lu avec quelque attention. Je m’étonnerais que personne n’eût relevé une contradiction aussi étrange. Les théologiens pouvaient dire : Il n’a pu résister à l’évidence ; il est orthodoxe, malgré qu’il en ait. Les encyclopédistes au contraire : Il n’a pas su se dépêtrer des vieilles superstitions : il n’est point des nôtres.

96.

Fecemi la divina potestate,
La somma sapienza e’l primo amore
.

Dans ces vers le Dante évidemment a voulu définir la Trinité : la puissance désigne le Père, la sagesse le Verbe. le Fils ; et l’amour le Saint-Esprit. Je l’avoue, je ne vois pas là trois personnes, mais seulement trois attributs. Dirait-on d’un roi très-puissant, souverainement sage et plein de bonté, qu’il renferme en soi trois personnages ? Le feu produit trois effets : il reluit, il chauffe et consume les substances sur lesquelles il agit en les transformant