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païens, que l’on pouvait pardonner tout au plus aux préjugés et à l’ignorance du moyen âge. D’abord, cette division pèche contre les règles de la logique, puisqu’elle n’épuise pas la sphère de son objet. Dans quelle catégorie placera-t-on les juifs et les mahométans ? Certes, ils ne sont pas chrétiens : ils ont ce nom en horreur. Sont-ils païens ? Pas non plus.

Quel est le caractère distinctif du paganisme ? On me répondra sans doute : l’idolâtrie et le polythéisme. Or, les chrétiens sont idolâtres ; Mahomet et ses disciples le leur ont reproché avec raison. Entrez dans le premier temple catholique, ou grec, ou russe, ou arménien, ou cophte, ou abyssinien, pour vous en convaincre. Je dis plus : les chrétiens sont descendus jusqu’au dernier échelon de la susperstition idolâtre : aux images miraculeuses. Les prophètes de l’Ancien-Testament ont souvent reproché aux peuples voisins d’adorer le bois, l’airain et le marbre ; et les pères de l’Église l’ont répété à satiété. Les païens savaient très-bien que la statue d’un dieu n’est pas le dieu même. Mais quand on attribue à telle ou telle statue des effets miraculeux, alors et seulement alors on confond la matière inanimée avec la puissance divine.

Les réformés rigoureux, en effet, n’admettent point d’images dans leurs églises. Mais en comparaison des siècles et des pays où le christianisme a régné, c’est une petite exception qui n’entre pas en ligne de compte.

Quant au polythéisme, tous les chrétiens sans exception adorent trois dieux. Si l’on m’oppose cette singulière arithmétique par laquelle on transforme l’unité en ternaire. et le ternaire en unité, je répondrai que l’union intime