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LE BOUDDHISME AU TIBET

Comme le précédent, ce système exige qu’on s’abstienne de toute réflexion, car elle serait incompatible avec la compréhension parfaite ; mais le dogme le plus important de cette théorie est évidemment la personnification du vide par la supposition qu’une âme, Alaya (tib. Tsang et aussi Nyingpo), est la base de toute chose. Cette âme existe de temps immémorial, « elle se reflète en toute chose comme la lune dans une eau claire et tranquille. » C’est la perte de sa pureté originelle qui la force à errer dans les diverses sphères de l’existence. L’âme peut être rendue à sa pureté par les mêmes moyens que dans le système précédent ; mais maintenant le motif et le succès deviennent évidents, l’ignorance est anéantie et l’illusion, qui fait croire que quelque chose peut être réel, est dissipée, l’homme comprend enfin clairement que les trois mondes ne sont qu’imaginaires ; il se débarrasse de l’impureté et revient à sa nature primitive ; c’est ainsi qu’il s’affranchit de la métempsycose.

Naturellement, comme tout ce qui appartient au monde, cette nature aussi est purement idéale ; mais, une fois établi ce dogme d’une pure nature absolue, le bouddhisme arrive bientôt dans les écoles mystiques ultérieures à la doter du caractère d’une divinité universelle[1]. Ainsi fut établie la modification matérielle de son caractère primitif.

L’idée de l’âme, Alaya, est le dogme principal du système yogachârya, ainsi appelé parce que[2] « celui qui est fort dans le Yoga (méditation) est capable de faire entrer son âme dans la vraie nature de l’existence. » Ici se présentent chez les Tibétains plusieurs explications de ce terme et des autres titres donnés à cette école ; mais ce nom est le plus commun et on attribue à Aryasanga la série des arguments déjà étudiés. L’importance que, dès le principe, cette école a attribuée à la méditation révèle les germes de la tendance qui l’amena à se perdre dans le mysticisme. Aryasanga et ses successeurs donnèrent à leur doctrine une telle splendeur que l’école Nagarjouna et ses principes, adoptés par les Madhyamikas (tib. Boumapa) tomba dans l’oubli pour plusieurs siècles ; elle reparut pourtant au septième siècle sous le nom

  1. Le Bouddhisme japonais parle aussi d’un Bouddha suprême qui est assis sur un trône dans le monde de diamant et a créé tous les Bouddhas. Voyez Hollman, Buddha Pantheon von Nippon, dans la Reschreibung von Japon, de von Siebold, vol. II, p. 57.
  2. Wassiljew, Der Buddhismus, p. 327, 357, 367. Comparez les Notices de Csoma dans Journal As. Soc. Beng., vol. VII, p. 144.